Une erreur impardonnable [Terminé]

Les jours passent, mais la tristesse et le mal-être de Jane ne disparaissent pas. L’étudiante n’arrête pas de penser à Nathan, et à Devyn, et ne parvient pas à trouver une solution. Elle en avait parlé avec Gabriel, et avait décidé de ne rien faire. Elle savait pourtant qu’un jour, elle reverrait Nate au travail. Elle savait aussi qu’il viendrait régler ses comptes. En attendant, Jane se punit. Elle ne voit plus personne, passe le plus clair de son temps dans sa chambre… Ce qui ne lui ressemble pas du tout.

De service à la Casa Bini ce soir, Jane se dépêche dans les rues de Sydney. Quand elle pousse enfin la porte du restaurant, un peu essoufflée par le chemin qu’elle a fait rapidement – elle avait peur d’être en retard – son regard croise celui de son collègue, derrière le bar de la grande salle, presque vide. Il s’agit de Nathan. Aussitôt, le cœur de l’étudiante rate un battement. La porte claque derrière elle. Lentement, Jane avance, le cœur lourd, le regard baissé.

Comme elle a honte. Déjà d’avoir pris ses distances. Et aussi, d’avoir couché avec Devyn. Gênée, la jeune fille s’avance lentement, en remettant une des bretelles de sa robe noire, qui avait glissée sur son épaule.

Salut.

Souffle-t-elle, en prenant son courage à deux mains : elle relève donc la tête vers lui.

Nathan…

Murmure simplement Jane, le regard triste. Elle ne savait pas que Devyn lui avait tout avoué, mais Nate pouvait très bien lui en vouloir de l’avoir évité, déjà. Seulement, à peine a-t-elle prononcé son prénom que cela lui rappelle des souvenirs, plutôt intimes. Elle aurait du dire « Nate », mais elle n’avait pas tant que ça l’habitude de l’appeler ainsi. Elle préférait utiliser son prénom, en entier… Surtout dans l’intimité, d’ailleurs ><

Les souvenirs revenant à la surface, brutalement, Jane sent son cœur se serrer, et sa gorge se nouer. Incapable de rester face à lui plus longtemps, la jeune fille se retourne, alors que ses yeux se mettent à briller. Elle prend directement le chemin de la salle réservée au personnel, pour enfiler son tablier, et déposer son sac, et ses autres effets personnels, dans un casier.

Le cœur lourd, Jane n’arrive même pas à retourner en salle. Elle a envie de pleurer.

La gorge de l'étudiant se serre. Sa mâchoire se crispe, quand Jane murmure son prénom... Un flot de souvenirs s'abat lui, et il ne manque pas de s'étouffer avec sa salive tant celle-ci ne passe pas dans sa gorge. Il a remarqué le regard triste de sa collègue et s'il y a bien une chose que Nate ne supporte pas, c'est bien qu'une fille soit triste. En particulier elle. Nate sent les larmes lui monter aux yeux, tandis qu'elle s'en va.

Le jeune homme a les doigts crispés sur sa serviette. Si fort qu'il en a mal aux phalanges. Alors Nathan quitte le bar et va rejoindre Jane dans les vestiaires. Il n'y a personne. Nate souffle un grand coup et détourne le regard tandis qu'il souffle :

Je sais tout.

Pour Devyn.

Nathan marque une pause. Puis plante son regard dans le sien.

Maintenant j'aimerais savoir une chose. Qu'est-ce que j'ai été pour toi ? Un jouet ?! Un passe-temps ? J'étais quoi ?! Est-ce que c'est de ma faute... Est-ce que c'est parce que je n'étais pas assez présent ? Ou parce que je n'osais pas avouer mon attirance pour toi ? J'ai besoin de comprendre.

Les yeux rivés vers la porte des vestiaires, Jane essaie de se ressaisir. Mais c’est terriblement difficile. Elle se sent coupable, elle se sent mal. Elle aimerait quitter le restaurant sans se retourner… Se faire toute petite. Elle se sent plus bas que terre… Et, quand Nate apparaît devant ses yeux, la jeune fille ne manque pas de sursauter. Son cœur s’arrête, dès qu’il lui dit, pour Devyn.

Etrangement, Jane se sent presque soulagée. Elle n’aurait pas trouvé ça juste qu’il ne l’apprenne jamais. Mais elle ne voulait pas lui apprendre elle-même, de peur de briser l’amitié de Nathan et Devyn. En tout cas, après qu’il lui ait avoué cela, la jeune fille a davantage envie de pleurer, de demander pardon… Mais son collègue ne lui en laisse pas le temps, puisqu’il l’interroge.

Et Jane préfère lui répondre, que de dire tout, et n’importe quoi. Elle lui doit au moins ça.

Non, tu n’étais pas un jouet, je t’assure !

S’exclame-t-elle, le cœur lourd, luttant pour ne pas que les larmes coulent de ses grands yeux.

Et c’est pas du tout de ta faute, je… J’étais attirée par toi, je t’assure, mais je… J’avais peur de m’engager et… J’avais peur de te décevoir, tu es… si gentil, si parfait… ! ><

Pardon, Nathan…

Lâche-t-elle, finalement, alors qu’une larme coule soudainement, le long de sa joue rougie par l’émotion.

Nathan regarde tout autour de lui, prenant soin de ne pas regarder Jane quand elle lui dit qu'il n'était pas jouet. Pourtant, à force, il en avait eu l'impression. Ils se découvrent, font même l'amour dans les douches et passent du temps ensemble... Et après ça, rien d'autre que le silence et l'absence. Nathan s'était senti étrangement utilisé. Ça l'avait vexé. Et attristé...

Puis elle se justifie et l'étudiant ne sait plus comment se sentir, surtout que ça lui brise le coeur de la voir pleurer. Il ne supporte pas ça ! Il ne veut pas qu'elle soit triste ! Même au prix de sa douleur à lui. Le jeune homme s'approche et souffle :

Tu te souviens de ce que j'ai dit à la fête ? Je ne suis pas de ceux, etc...

Nate aimerait lui dire qu'il n'est pas si gentil, si parfait, qu'elle ne l'aurait pas déçu... C'était parce qu'elle était pleine de surprises qu'il avait voulu être avec elle. Désormais ce n'était plus le cas ; il avait accepté avec difficulté ce qu'il se passait entre Devyn et Jane. Ce n'était pas rien. Et ça s'est passé à ses dépens... Mais c'était tant mieux pour eux.

Et bien c'était vrai.

Rajoute-t-il en réduisant leur distance prudemment.

Gênée de pleurer devant Nathan, de se montrer aussi faible, et fragile, Jane finit par baisser les yeux. Elle essuie rapidement cette fichue larme qui a coulé… Mais bien d’autres roulent soudainement sur ses joues ensuite. Comme si la toute première leur avait ouvert le chemin. La jeune fille se sent tellement mal. Elle aurait aimé que tout soit différent. Elle aurait aimé ne pas tomber sur Devyn ce soir-là, enfin… Qu’il soit quelqu’un d’autre. Pas le meilleur ami de Nathan. Elle a tout gâché à cause de ça. Elle leur a fait du mal, à tous les deux.

Tu m’as dit que tu étais de ceux qu'on peut humilier, détruire…

Se rappelle Jane, en sentant Nathan se rapprocher d’elle.

Mais je voulais pas faire tout ça, je te jure…

Avoue la jeune fille, en essayant de ravaler ses larmes, en vain. Même sa voix est modifiée à cause des sanglots qu’elle n’ose pas laisser sortir. Ce soir-là, Nathan lui avait aussi dit qu’il était de ceux qu’elle n’aimerait jamais. Ce soir-là, Jane et lui avaient fait l’amour.

Je suis désolée.

Dit-elle encore, dans un souffle.

Nathan s'en rappelle très bien lui aussi. Ces paroles n'avaient été rien de plus véridique à son sujet. Il était de ceux-là et il ne le regrettait pas. Nathan regrettait plutôt d'en être arrivé là et de devoir voir Jane pleurer devant lui. De devoir s'éloigner de son meilleur ami parce qu'il ne peut plus le voir, même en peinture. Nate se rend compte qu'il ne lui en veut pas plus que ça. Après tout, ce n'est pas comme s'ils l'avaient délibérément. Celle qui a été la plus blessante dans l'histoire, c'est bien Jane. Mais c'est plus fort que lui.

Viens...

Souffle l'étudiant en s'approchant d'elle alors qu'elle s'excuse encore. Il la prend doucement dans ses bras. Portant sa main à sa nuque, restant tout contre elle pour la consoler. Nathan est maso, il le sait, mais n'est pas non plus sadique. Il ne veut pas qu'elle souffre à cause de lui, ni à cause du fait que Devyn et lui ne se parlent plus...

Ça va aller.

Dès que Jane atterrit dans les bras de Nathan, elle se sent soudainement mieux, et en même temps, encore très mal. Comme elle le lui avait dit, il était beaucoup trop gentil. A sa place, elle aurait été très méchante. Lui, pas du tout. La jeune fille se laisse pleurer dans ses bras et aimerait le croire quand il lui dit que tout ira bien… Seulement, les secondes défilent, et Jane ne se sent pas mieux. Elle se sent encore plus minable de constater que la gentillesse de Nathan est sans limite.

Alors, la jeune fille relève la tête. Son visage est proche de celui de Nate, et ses yeux sont encore brillants.

Ce n’est pas à moi de pleurer, et ce n’est à toi de me réconforter.

Encore une fois, je réalise que je ne te mérite absolument pas.

Dit-elle, en le dévisageant.

Je suis vraiment désolée et j’espère que tu me pardonneras un jour.

Souffle la jeune fille, sans essayer de trouver une quelconque excuse pour se justifier. Elle n’en a aucune. L’étudiante finit par passer ses mains sur son visage, pour essuyer le plus gros de ses larmes, mais ses yeux sont toujours rougis par l’émotion, et son regard est encore rongé par la culpabilité.

Quand Jane s'écarte un peu, Nathan pense qu'elle va mieux ou du moins, qu'elle est rassurée sur le fait qu'il ne lui en veuille pas comme un dingue. Ce qu'elle lui dit par la suite le blesse encore un peu et l'énerve. Nathan trouve ça injuste qu'elle s'obstine à croire qu'elle ne le mérite pas ! Alors qui le mérite ? Personne ! Ce n'est pas à elle de juger si elle le mérite ou pas ! Mais à lui. Et Nate sait que Jane mérite tout le bonheur du monde ; et il ne sera probablement pas avec lui. Il ne peut pas être elle tout comme elle ne veut pas être avec lui...

De quoi tu as peur ?

Il la dévisage en s'éloignant un peu. Il aimerait sécher ses larmes et lui embrasser la joue pour la réconforter, mais apparemment, Jane veut conserver sa fierté... Ou quelque chose comme ça. Elle est si compliquée quand elle s'y met...

D'être heureuse ?

D'être bien avec quelqu'un ?

De la stabilité, peut-être ?

Il la relâche doucement, tentant de comprendre.

Non. J’avais juste peur de finir par te blesser.

Avoue Jane. Une âme si pure et si douce que celle de Nathan, c’était si facile de l’effriter… Et Jane est si peu délicate, quand elle s’y met… Il n’y a qu’à voir comment ça a commencé entre eux ! Elle n’a pas cessé de le provoquer, de souffler le chaud, le froid, de le taquiner… Et il est resté présent. Jane savait qu’en s’investissant avec lui, elle finirait par lui faire du mal. Elle ne savait pas à quel point. Mais elle savait qu’il lui pardonnerait. Et que ce serait pire pour elle, de ne pas être punie, finalement.

Ironie du sort, je t’ai fait la pire crasse possible.

Dit-elle, en sentant une nouvelle larme rouler sur sa joue.

Punis-moi.

Demande l’étudiante, franchement.

Ne me parle plus, ignore-moi, envoie-moi balader ! Parce que je le mérite, vraiment >< J’ai tout gâché. Tout.

Et elle avait bien réussi. Mais bon. Le jeune homme s'apprête à rajouter quelque chose mais Jane lui demande de la punir, de l'éviter, de ne plus lui parler... Nathan entrouvre la bouche et s'éloigne un peu. Il voudrait dire quelque chose mais il n'y parvint pas. Que dire, de toute manière ? Si ce n'est qu'il ne peut pas. Il n'en est pas capable. Nathan comprend que maintenant, si on est gentil, ça ne sert à rien puiqu'on se fait tout de même jeter et blesser. Vaut mieux être méchant et blessant ? Nate ne comprend pas grand chose à ça.

Je veux pas te faire souffrir...

Il baisse les yeux.

Je peux pas...

Personne ne mérite ça.

Jane n’avait pas besoin de Nathan pour souffrir, elle se punissait assez comme ça depuis plusieurs jours. Il n’empêche qu’elle aurait aimé qu’il lui crie dessus, ou qu’il l’ignore. Pas qu’il se comporte comme ça >< C’est encore plus dur car elle réalise à quel point il est une personne adorable… Et le mal qu’elle lui a fait devient deux fois plus grave.

Moi si.

Dit-elle, durement. Pas envers Nate, mais envers elle-même. D’ailleurs, quand elle tourne la tête et qu’elle croise son reflet, dans le miroir du vestiaire, Jane a la réaction de détourner le regard. Elle n’arrive plus à se regarder en face. Les yeux baissés, elle murmure :

Est-ce que tu es resté ami avec Devyn ?

Demande-t-elle, pourtant presque sûre de la réponse. Sans doute veut-elle se faire davantage de mal en entendant la réponse. A cause d’elle, une amitié est sûrement brisée.

Nathan secoue la tête négativement quand Jane affirme qu'elle, elle le mérite, et d'un ton censé être sans appel. Mais l'étudiant continuera de prétendre le contraire jusqu'à qu'elle cesse de croire qu'elle a le droit de souffrir ! C'est lui le maso dans l'histoire, pas elle x) Le jeune homme a toujours les sourcils froncés et s'apprête à rajouter quelque chose quand Jane lui demande si Devyn et lui sont restés amis. Nathan fait une grimace. Devyn. Il s'empêchait de penser à lui ces derniers temps mais autant dire qu'il lui manquait. Nate leva les yeux en ciel pour empêcher les larmes de s'incruster dans son regard.

La gorge nouée - et Dieu que c'est douloureux quand on s'empêche de pleurer - il répond, tout le corps soudainement crispé. Il a l'impression qu'on lui a tendu tous ses muscles et qu'il ne peut plus bouger.

Je ne sais pas. J'ai besoin de temps... Mais je sais que ça va s'arranger, je peux pas... Enfin, je peux pas renoncer à lui pour une chose qu'il a fait sans en être conscient, enfin, comment on dit là... ? Le contraire d'intentionnellement.

Il soupire.

Tout comme toi. Si tu avais su tu n'aurais pas fait ça, right ?

Quelque part, Jane est vraiment rassurée par les propos de Nathan. Elle ne sait pas combien de temps cela prendra pour qu’il redevienne ami avec Devyn, mais elle sait que si l’espoir est là, que ça se fasse un jour, c’est déjà bon signe. Comme Nate semble l’avoir compris, ce n’était pas intentionnel. Dev’ ne savait pas qu’il s’agissait de la « fameuse » Jane, et vice-versa. Ils ne pourront jamais savoir si ça se serait passé pareil, ou différemment, s’ils avaient su qui ils étaient réellement.

Je ne veux pas gâcher votre amitié.

Devyn tient à toi, je le sais. Quand il a appris qui j’étais, il m’a mise à la porte, tu sais. Il s’en voulait beaucoup… Et moi aussi, d’ailleurs.

En entendant la question de Nathan, Jane secoue la tête.

Non, je ne pense pas que ça se serait produit. Mais on ne saura jamais, maintenant.

Dit-elle, en baissant les yeux. Le temps. C’est la seule chose qui peut guérir leurs blessures. Alors, sans plus attendre, Jane attache son tablier autour de son cou, et de sa taille, avant d’ajouter quelques mots, d’une petite voix :

Laissons le temps faire les choses, maintenant.

Nathan acquiesce doucement. Il se doutait que Devyn avait réagi comme ça et il savait qu'il s'en voulait terriblement. Mais bon. Nate aurait besoin de temps, et ne préfère pas y penser. Il n'a aucunement envie de se réconcilier avec lui pour le moment. Il sait qu'il éprouve quelque chose pour Jane, un truc spécial et Nathan n'a pas envie d'en savoir plus que ça. Il n'a pas envie de l'entendre parler de Jane ou de comprendre qu'il pense à elle rien qu'en lisant dans son regard. Ce serait trop douloureux.

L'australien hoche encore une fois la tête à la dernière phrase de Jane et la regarde un instant. Tout ça a été trop rapide. Vraiment. Le jeune homme est un peu perturbé, rien qu'en observant Jane, parce qu'il a des souvenirs de son odeur et de son corps en tête. Il fronce les sourcils et détourne le regard.

Bon, je vais bosser. Prend soin de toi.

Souffle-t-il avant de disparaitre. Il a besoin d'un rafraîchissement, il n'en peut plus ça. u_u

Prends soin de toi, Nathan.

Murmure Jane, en relevant les yeux pour regarder Nathan quitter la pièce. Elle se sent terriblement mal, et toujours pas soulagée. D’un côté, elle préfère qu’il soit au courant. Elle préfère aussi s’être expliquée. Mais de l’autre, elle n’arrive toujours pas à se regarder en face. Elle est consciente de lui avoir fait beaucoup de mal et le regarder s’éloigner, comme ça, sans un regard, sans une attention, sans un sourire, c’est horrible.

La jeune fille s’efforce cependant de prendre sur elle. Elle essuie les larmes qui sont restées au bord de ses yeux, puis prend une profonde inspiration. Il faut qu’elle aille travailler, elle aussi. Il faut qu’elle mette « ça » de côté. Mais ça ne va pas être simple.

Elle portera toujours cette erreur avec elle.



Fin de la scène