Ne veut pas voir la vérité en face [Terminé]

[Le kit *_*]

Sophia se dépêche, voulant quitter l'hôtel le plus rapidement possible. Seulement, ses jambes tremblent de plus en plus et ses talons la déstabilisent. La jeune fille ne va pas vite et s'appuie à la porte, avant de quitter le hall d'entrée. Seulement, une voix l'interpelle, et pas n'importe quelle voix. Une voix qui lui avait terriblement manqué. Rien que de l'entendre, de voir que c'est bien lui, que c'est Blake, et qu'il se prostitue, Sophia sent son coeur se briser encore plus. Elle n'aurait pas cru que c'était possible.

So' se retourne brièvement vers lui. Elle n'a pas la force de retenir ses larmes qui roulent, subitement, rapidement, le long de ses joues. Sa lèvre inférieure tremble presque à cause de l'émotion. Elle est anéantie. Elle vient de comprendre qu'elle n'est pas revenue à Sydney pour intégrer la plus grande école d'Arts du pays. Elle est revenue parce qu'elle voulait le retrouver. Uniquement pour ça.

Et maintenant que c'est fait, elle n'est plus rien qu'une jeune fille au coeur brisé, aux espoirs ébranlés. Elle est détruite.

Sa vue est brouillée. Sophia se dépêche d'essuyer ses larmes qui ne s'arrêteront pourtant pas de couler pour autant. Elle voit alors Blake, près d'elle, à un mètre précisément. Il s'est arrêté là, il ne s'approche pas plus. C'est sûrement mieux comme ça pour Sophia qui est littéralement sous le choc. Des gens passent à côté d'eux et deviennent des témoins de la scène. Certains s'offusquent en entendant dans la bouche de Blake le mot "prostituant". Ce mot résonne dans la tête de Sophia, c'est horrible ce que ça peut lui faire mal. Maintenant que le mot était dit à voix haute, ça prenait tout son sens. C'était la vérité. La stricte vérité. Les yeux baissés, Sophia lui répond.

Oui, j'étais partie.

Dit-elle, des sanglots dans la voix.

Mais tu pouvais m'appeler ! J'étais loin, mais tu pouvais quand même m'appeler ! Je t'aurais aidé ! Je t'aurais aidé !

Répète-t-elle. Elle est tourmentée d'être, peut-être, la raison de la descente aux enfers de son ex petit-ami. Elle ne veut pas croire que tout puisse être à cause d'elle et qu'il lui mette tout ça sur les épaules !

Je.... Je ne veux pas te regarder ! Je ne veux pas y croire !

S'exclame-t-elle, en secouant la tête, sentant de nouvelles larmes couler lourdement le long de ses joues.

Des passants, curieux, se pressent autour d'eux pour assister à la dispute et aux pleurs de Sophia. La jeune fille n'y prête aucune attention, elle ne les voit même pas. Tout ce qu'elle se refuse de regarder pour l'instant, c'est Blake. Elle ne peut pas croire que ce soit vrai ! Elle vit un véritable cauchemar. Tout ce qu'elle veut, c'est se réveiller dans son lit, et se dire que tout ça n'était pas vrai. Mais la douleur qu'elle ressent est si grande, ça la transperce, c'est réel.

Alors arrête !

S'exclame-t-elle, le corps tremblant, les mains crispées. Elle n'arrive plus à bouger, elle n'essuie même pas ses larmes, elle essaie simplement de retrouver son souffle, c'est le plus important.

Arrête tout ! Maintenant !

Pas pour moi, mais pour toi !

Arrête !

Répète-t-elle, en haussant le ton, comme s'il s'agissait d'un ordre. Ce n'était pas autre chose. Il fallait qu'il mette un terme à cette situation horrible. Ca ne peut pas être autrement. Elle n'arrive même pas à poser le regard sur lui. En sanglots, toujours, So' rajoute quelques mots, qui sont douloureux à prononcer, mais qui sortent d'entre ses lèvres, tremblantes elles-aussi.

Ne monte pas dans cette chambre...

Demande-t-elle, suppliante.

Sophia ne s'attend pas vraiment à ce qu'il accepte. Ce serait ce qu'il y aurait de mieux, évidemment, pour lui. Il faut qu'il mette un terme à tout ! A la prostitution, à la drogue, à l'alcool, à tout. Mais elle n'y croit pas. En fait, elle ne sait pas du tout ce qu'il va répondre. Mais elle ne s'attend pas à ça. Alors, surprise par sa réponse, par sa décision, So' relève les yeux sur lui. Sa silhouette, son visage creusé, ses yeux noirs, ses cernes. Tout lui rappelle le Blake qu'elle a connu, au début de l'année, à Wakefield. Sauf qu'il est encore pire. Il a l'air encore plus malade, encore plus triste, encore plus noir, encore plus mal. Quand le garçon se rapproche d'elle, So' se crispe sur place, craignant qu'il l'approche, sans même savoir pourquoi. Elle a tant rêvé de ce contact ! Mais pas de celui-là, précisément.

Elle n'a pas le temps de dire un mot. Son ex petit-ami vient de quitter l'hôtel. Tous les gens, autour de Sophia, se mettent à parler, y vont de leurs commentaires. Certains disent même à So' de "laisser tomber", ou qu'il n'en vaut "pas la peine". Seulement, elle, elle sait que ce n'est pas vrai ! Elle sait que ces gens ne comprennent pas. En fait, elle non plus, elle ne comprend pas tout. Sauf certaines choses, évidentes à ses yeux. Il en vaut la peine.

Fichez-moi la paix !

S'exclame So', à tous ces gens compatissants, en poussant les portes de l'hôtel à son tour. Elle regarde à droite, à gauche, personne. Mais, en face, elle voit une silhouette s'enfoncer dans une rue sombre. Elle traverse immédiatement la voie pour aller de l'autre côté, et court pour rattraper Blake. Seulement, il va vite, lui-aussi.

Blake !

Crie-t-elle, sans savoir pourquoi elle le retient précisément.

Blake s'arrête. Sophia parcourt, en marchant cette fois-ci, les quelques mètres qui les séparent. Arrivée près de lui, mais pas trop non plus, son ex petit-ami se retourne, et la fixe. Il pleure. Le coeur de Sophia lui donne l'impression de se briser en mille morceaux, une seconde fois, et les larmes, qui avaient disparu de ses yeux, reviennent aussitôt brouiller sa vue. La jeune fille reste un instant immobile, le souffle court, les membres toujours tremblants, les yeux brillants.

Je...

Quand Sophia avait réfléchi à leurs retrouvailles (et c'était arrivé environ 3 millions de fois), elle savait déjà tout ce qu'elle lui dirait. Mais comme elle n'avait jamais imaginé le retrouver dans de telles conditions, les mots lui manquent. Elle ne termine pas sa phrase, n'essaie même pas à dire vrai.

Sans se rapprocher, l'étudiante tend le bras, pour poser le revers de sa main sur sa joue droite, et l'essuyer des larmes qui ont coulé. Elle fait de même, sur l'autre joue. Sa peau est glaciale, son regard inanimé. Il n'a pas l'air vivant, sauf quand c'est elle qu'il regarde.

Qu'est-ce que... Qu'est-ce que tu vas faire, maintenant ?

Tu as un endroit où aller ? Un endroit... sûr ?

Les yeux brouillés par les larmes, Sophia essaie tout de même de se ressaisir. Ils ne peuvent pas être deux à s'effondrer ! Il faut qu'elle soit plus forte que lui, même si ça fait beaucoup, pour des retrouvailles. Elle n'avait pas du tout envisagé les choses de cette manière, alors, elle allait improviser. Ca n'allait peut-être pas sonner juste, ça n'allait peut-être pas être romantique, ou magnifique, mais il fallait que ça aille, quand même.

Quand la main de Blake attrape la sienne et qu'il embrasse ses doigts, doucement, un sanglot parcourt le corps entier de Sophia qui soupire, bruyamment. Un soupir triste, fort, lourd. Il lui a tellement manqué...

Je peux te prêter de l'argent.

Propose-t-elle, en serrant sa main au creux de la sienne.

Je t'en prie, accepte.

Demande-t-elle, avant qu'il ne refuse catégoriquement cette éventualité.

Sophia s'attendait à ce qu'il refuse de l'argent, mais pas à ce qu'il lui dise, encore une fois, qu'il avait besoin d'elle. La jeune fille baisse la tête, intimidée, gênée, bloquée. Elle ne sait pas quoi dire, elle aimerait le rassurer, mais en même temps, rien ne se passe comme prévu, et elle est mal, sur le moment. Trop mal pour envisager lui donner de l'amour.

Je... Je suis là, pour toi. D'accord ?

Murmure Sophia, d'une voix douce, comme toujours. Sa main est toujours dans celle de Blake et elle ne pense pas à la retirer. Elle a l'impression de le réchauffer, comme ça. C'est idiot, mais elle voudrait que cette attention puisse le rassurer un peu, puisse lui faire du bien. Même si ça ne résoudra sûrement rien.

Un endroit sûr ?

Répète Sophia, en réfléchissant, à toute allure.

Je vis sur le campus, à Manly, tu sais, l'université de Longwood.

Explique-t-elle, en premier lieu, avant d'avoir une idée.

Mais mes parents sont toujours propriétaires de la maison, à Sydney. Elle est restée intact, on paie une personne pour nous l'entretenir mais elle est vide, si tu veux, tu peux t'y installer.

Sophia avait réellement l'impression de passer pour une bourgeoise, mais elle a de l'argent, c'est la vérité, alors tant qu'à faire, autant que Blake en profite ! Même si elle a l'impression d'étaler sa richesse sous ses yeux.

Plusieurs passants les croisent, et Sophia se dit qu'ils sont un couple mal assorti. Lui, il a l'air de sortir d'une cure de désintoxication, et elle, elle a l'air d'une petite bourgeoise habillée d'une robe blanche digne du styliste de Chanel. Non, franchement, ça ne colle pas, et certaines personnes se retournent même leur passage.

Le silence est, par contre, toujours de mise entre les deux anciens "amants". Sophia formule à peu près 10 phrases dans sa tête chaque seconde, mais n'a le cran d'en dire aucune. Elle arrive enfin à se décider pour une phrase banale quand, soudainement, Blake l'attire dans une ruelle. So' lâche immédiatement sa main, en fronçant les sourcils. Un ancienne, mauvaise connaissance ?

Qui c'était ?

Demande-t-elle, sans attendre la réponse. La jeune fille se dépêche de jeter un coup d'oeil dans la rue. Une femme, qui n'a pas l'air effrayante. Elle a une quarantaine d'années, elle est bien habillée, et souriante. Elle a l'air bien dans sa peau, et friquée. So' ne comprend pas. Elle se retourne vers Blake et, après avoir croisé son regard, Sophia pense avoir compris. La gorge serrée, elle lui demande :

Une... cliente ?

Sophia ne fait aucun commentaire. Ils reprennent ensemble le chemin jusqu'à son ancienne maison et le silence reprend presque sa place, puisque Blake se permet tout de même une précision. Seulement, aux yeux de So', ça ne change malheureusement pas grand chose. Elle l'imagine avec cette femme, elle l'imagine en train de l'embrasser, de la toucher. C'est une véritable torture. Ses yeux sont baissés, et ne regardent que le trottoir pendant qu'ils marchent.

Très vite, ils arrivent au quartier dans lequel elle vivait, avant. Un quartier bourgeois. Sa maison est une des plus grandes de la rue. So' traverse l'allée, toujours en compagnie de Blake, avant de s'arrêter devant la porte. Elle sort la clé de son sac et l'ouvre. L'alarme de sécurité se déclenche, mais elle se dépêche d'entrer le code, pour la stopper.

La jeune étudiante tourne sur elle-même, pour observer l'endroit. Ca n'a absolument pas changé. Tout est sa place, comme quand elle est partie. Elle a l'impression de faire un bond dans le passé. Elle se souvient de la visite de Blake chez elle, quand il avait planté Elyzabeth au mariage. Elle se souvient lui avoir dit qu'il ne savait pas l'aimer, lui avoir reproché toutes ses erreurs... Et l'avoir giflé. Et embrassé. Et ils avaient fait l'amour, aussi, pour la toute première fois.

Voilà...

Murmure-t-elle, en se retournant vers lui, le coeur lourd.

Sophia baisse les yeux vers sa main quand Blake l'attrape délicatement. Elle relève la tête, timidement, en acquiesçant. Il était difficile d'affronter ses souvenirs, mais c'était encore pire de devoir se battre contre le présent. Un présent qui ne lui plaisait guère. Un présent qu'elle n'avait jamais imaginé de la sorte. Un présent destructeur.

Oui...

Murmure-t-elle, avant de prendre le chemin des escaliers, qu'elle monte rapidement, sans lâcher la main de Blake pour autant. A l'étage, la jeune fille lui montre la salle de bain, puis la chambre de James, celle de ses parents, et la sienne. C'est d'ailleurs cette porte là, précisément, que So' ouvre lentement.

On a des chambres d'amis, à l'étage du dessus, mais elles sont quasiment vides, alors...

So' lâche la main de Blake quand elle retrouve sa chambre, et les photos, au-dessus de son lit. Il apparaît presque sur chacune d'elle. Il sourit sur plusieurs clichés. Il n'est définitivement plus le même, aujourd'hui. L'étudiante fait comme si de rien n'était et se retourne, nerveusement, vers son invité.

Alors tu peux t'installer dans la mienne.