Don’t know why… [Terminé]

Quand la porte s’ouvre, Jordan baisse les yeux. La réaction de Shay ne se fait pas attendre, mais heureusement, elle ne voit pas le regard qu’il pose sur elle. La jolie brune esquisse une petite moue boudeuse, quand il exclame sa « joie » de la voir. Avec lui, elle ne savait que penser. Etait-il réellement enthousiaste ? Ou était-ce de l’ironie ? Peut-être se foutait-il de sa gueule ! Ou peut-être pas. Quand elle relève son visage, elle essaie de lire quelque chose dans ses yeux, une réponse, à dire vrai. Mais il n’y a rien. Derrière ce regard étrangement pétillant, mais un peu endormi, aussi, Jordan ne voit qu’un grand vide.

Ne voulant pas justifier sa présence, ou s’expliquer (parce qu’elle ne saurait guère le faire), JJ attrape l’anse de son sac plastique pour la faire glisser sur le poignet de Shay, qui lui tend toujours les bras.

J’apporte le repas.

Se contente-t-elle de dire, en déviant son regard. Encore une fois, elle s’interroge, et se demande ce qu’elle fait là. Derrière la silhouette de son cousin, elle aperçoit son appartement. Elle sait qu’il vit en colocation, mais ça semble plutôt calme, sans doute est-il seul.

Impatiente, et gênée par les attitudes de son cousin, JJ finit par lui demander :

Tu me fais entrer, ou bien… ?

L'interroge-t-elle, en utilisant le même ton détaché que lui. Eh oui, JJ commence à s’adapter. Il faut bien ! Elle sait que ce n’est pas Shay qui fera des efforts alors… Ça devra forcément être elle.

Jordan ne savait pas si Shay avait déjà mangé, ou même s’il voulait manger, mais elle avait apporté des plats chinois malgré tout. Elle ne voulait pas arriver les mains vides. Elle se sentait mal à l’aise d’être venue, sans trop même savoir pourquoi. Ce sac plastique lui donnait une maigre contenance, mais une contenance quand même. Elle s’en débarrasse, en faisant glisser la anse du sac autour du poignet de son cousin. Ce dernier regarde ce qu’il y a à l’intérieur, l’air un peu perdu, voire même légèrement à l’ouest.

La belle brune n’y fait pas attention, et demande à entrer. Elle ne sait pas s’il est déjà shooté, ou quoi, mais n’a pas envie de se poser la question. Comme demandé, elle ferme la porte derrière elle et le suit jusqu’à la cuisine. Il sort alors des plats, mais JJ remarque bien qu’il ne sort que des couverts pour une seule et même personne. Elle en déduit qu’il n’a pas faim, mais ne fait aucune remarque.

Quand il s’arrête, pour la regarder, Jordan baisse brièvement les yeux, mais l’écoute. Il l’interrogeait, mais parlait si vite qu’elle avait l’impression qu’il ne s’intéressait guère à ses réponses.

Nan, je… Je connais pas.

Souffle-t-elle, sachant qu’il ne s’attarderait certainement pas sur sa remarque. La jeune femme passe une main dans ses cheveux, un peu nerveusement, avant de poser son regard sur les murs qu’il lui désigne. Elle remarque alors les dessins sur ceux-là, et s’étonne qu’il s’exerce sur ce genre de supports.

Ça fait longtemps que j’ai pas vu tes dessins…

Murmure Jordan, avant de s’avancer vers le sac plastique, pour en sortir un petit carton, dans lequel se trouvait des nouilles. Elle l’ouvre soigneusement, puis attrape une fourchette, pour porter les pâtes à ses lèvres. Elle n’avait pas très faim, mais se forçait. Sinon, elle se connaissait, elle était capable de ne pas manger pendant des siècles. Jetant un nouveau coup d’œil au salon, elle demande, en relève ses grands yeux vers Shay :

Tu me montres ?

Jordan n’avait aucune idée de ce qui se passait dans la tête de Shay. Elle se contente de manger ses nouilles, d’abord dans son coin, avant de le suivre dans le salon. Elle ne peut contenir son étonnement quand elle voit tout ce qu’il a fait sur le mur Oo Elle ne savait pas si sa colocataire était au courant, ou si le propriétaire l’était mais, à dire vrai, elle n’avait que peu d’espoirs à ce sujet… En tout cas, le jeune homme n’avait pas tout à fait l’air dans son assiette. En même temps, JJ avait du mal à se souvenir de lui quand il l’était, alors…

Quand il tague un morceau du mur, sa cousine s’éloigne. L’odeur n’est pas agréable, et elle n’a pas envie d’être dérangée pendant qu’elle mange. Déjà qu’elle ne se nourrissait que très peu dernièrement… ! Alors, elle se dirige vers la grande fenêtre du salon, qu’elle ouvre, en regardant dehors. Elle se retourne quand Shay prend la parole, et le toise un instant, avant de lui répondre.

Je parlais de tes dessins, mais… je veux bien écouter.

JJ hausse brièvement les épaules, puis s’assoit sur le rebord de la fenêtre. Elle cherchait toujours à comprendre pourquoi elle était venue. La belle brune garde le silence un moment, observe l’extérieur. Le soleil était en train de se coucher et ses derniers rayons reflétaient sur les fenêtres de l’immeuble d’en face. C’était joli. Apaisant.

Mais Jordan se retourne au bout d'un moment, pour regarder Shay. Il venait de boire une gorgée de son verre, et au vu de la bouteille qui était posée juste à côté, ce n’était pas de l’eau… !

J’aime bien, ça bouge bien.

Ajoute-t-elle, en parlant de la musique, et en cherchant à capter le regard de son cousin. Il avait l’air très dissipé. Elle, elle était nettement plus calme, peut-être un peu plus triste, surtout.

Jordan regardait à peine la table basse du salon. Elle savait ce qu’il y avait dessus, elle en était consciente… Seulement, elle avait peur qu’en regardant vraiment tout ce que prenait Shay, elle se sente mal, et que l’idée de le sauver de ce mauvais pas lui vienne en tête. Déjà qu’elle était venue le voir sans raison… Elle ne voulait pas, non plus, le prendre sous son aile. Et lui non plus, il ne voulait certainement pas. Alors, elle fait comme s’il n’y avait rien, ou presque, sur cette table basse, et le regarde dessiner, taguer… Quand il monte sur le canapé, la jeune femme cesse de manger, et retient son souffle. Ses pas sont maladroits, imprécis. Il pourrait se casser la figure. JJ l’observe sans respirer, comme s’il pouvait tomber si son souffle venait le déstabiliser. Ridicule.

En lisant la phrase qu'il inscrit sur le mur, la jeune femme fronce les sourcils. Etait-il donc conscient de son changement ? L’avait-il fait exprès ? La bouche de la jeune femme s’entrouvre, mais les questions ne seront pas dites à haute voix. En fait, elle a de nouveau peur qu’il tombe, et reprend :

Fais attention…

Shay descend de son perchoir, leurs regards se croisent. Et là, il lui pose « la » question. La photographe ne s’y attendait pas. Elle ne pensait pas qu’il songerait un seul petit instant à autre chose qu’à sa petite personne. Sans relever les yeux, elle lui répond :

Et bien… Ma coloc’ a fait une tentative de suicide.

Et une autre amie à moi est morte récemment.

La jeune femme ne pensait pas qu’il serait si facile pour elle de dire ces choses. Peut-être parce qu’elle était consciente du fait que Shay s’en moquait certainement royalement, et qu’il aurait bien vite oublié ses confidences d’ici quelques minutes à peine…

Oh non, Jordan ne savait pas. Elle ne savait rien. Elle avait l’impression d’être en face d’un inconnu. Mais parfois, dans ses mimiques, dans sa voix, ou dans ses sourires, elle retrouvait Shay. C’était peut-être pour cette même raison qu’elle était venue frapper à sa porte. Ou peut-être pas. La jeune femme n’a plus espoir, en ce moment. Elle ne croit plus en grand-chose. Comment pourrait-elle croire que Shay est toujours bien là, derrière ce masque de méchanceté, qui a mis tant de distances entre eux deux ? Mine de rien, ils se ressemblent. Désabusés de la vie, l'un comme l'autre.

De peur qu’il tombe, elle lui dit de faire attention. C’est sorti sans réfléchir. Une fois de nouveau sur le sol, la jeune femme plonge son regard dans le sien. Il remarque qu’elle est triste. JJ n’essayait pas de le cacher, mais ne pensait pas que c’était évident à ce point. Elle baisse les yeux. Lui répond. Elle se montre honnête, et s’attend à ce qu’il change radicalement de sujet ensuite.

Mais non. Et ça la surprend. Cela dit, elle ne le montre pas. Se contente de reprendre quelques nouilles chinoises, pour les manger lentement. Sa question la fait sourire. C’est un sourire en coin, un sourire triste. Elle hausse les épaules.

J’en sais rien.

Avoue-t-elle, sans détour, en relevant la tête pour regarder Shay s’approcher d’elle. Moins il y avait de distance entre eux, et plus Jordan se sentait déstabilisée.

Il y a quelque chose à faire, dans ces cas-là… ?!

Les questions de Shay commencent à la perturber. C’est vrai, il a raison. Comment compte-t-elle s’en sortir ? A-t-elle un plan ? Une solution de secours ? Après la tentative de suicide de Kaori, elle avait fait des cauchemars pendant des mois, et en faisait encore. Et maintenant, hein ? Maintenant qu’une vieille amie à elle était morte, écrasée, comprimée par des décombres, que comptait-elle faire ? Toute cette pression l’étouffe, et quand JJ baisse les yeux vers son carton rempli de nouilles, elle a presque envie de vomir. La tristesse grandit en elle, au fur et à mesure qu’elle songe à ce qui lui est arrivé récemment. Trop de choses. Trop de malheurs. Que peu d’espoirs, en retour. Elle se redresse, pour abandonner ses nouilles sur le coin d’un meuble, en tendant le bras.

L’une de ses jambes vient se replier, pour se poser sur le rebord de la fenêtre. L’autre reste dans le vide. Elle regarde de l’autre côté du garde-fou, elle cherche des réponses. Dehors, il n’y en a pas. Le soleil n’est même plus là. Et la nuit est tombée.

Je pensais que le temps…

Jordan ne finit pas sa phrase. Que pensait-elle ? Que le temps guérirait toutes ses blessures ? Que ça passerait en attendant sagement ? Elle n’est pourtant plus si crédule. Cela fait des mois que ça dure, comment pourrait-elle penser que ça finirait par aller mieux ?

Son cousin reprend la parole. JJ l’observe. Elle n’ose toujours pas regarder la table basse.

Je vois.

C’est ce que tu fais, toi, n’est-ce pas ? Qu’est-ce que tu préfères ? C’est quoi la meilleure solution ? Dis-moi.

Lui demande-t-elle, tout en se montrant très attentive à ce qu’il lui répondrait ensuite.

Jordan ne réalise rien. Elle ne voit pas ce qu’il voit en elle, elle ne fait pas attention au regard qu’il porte sur elle, ou à ses lèvres entrouvertes. Son air songeur, pour elle, vient du fait qu’il a bu, ou qu’il est drogué, ça ne va pas plus loin que ça. La jeune femme ne pensait pas inspirer quoi que ce soit, ou qui que ce soit. Elle était lasse, lasse de tout, de la vie, des gens, de sa propre tristesse. Elle était perdue, et n’avait pas la sensation de pouvoir s’en sortir. Elle était entrée dans ce cul-de-sac, et se demandait parfois si elle ne se plaisait pas dans cet endroit sombre, petit, renfermé. Se complait-elle dans son malheur… ? Elle ne sait plus trop où est le bien, où est le mal. Elle ne sait plus où est le bonheur… Elle est perdue.

Quand elle pose son regard sur l’extérieur, cherchant la lune de ses grands yeux, relevant légèrement le menton, l’air attentif, JJ sait bien qu’il n’y a pas de solution. Les réponses de Shay restent dans son esprit, un moment, et puis, elle tourne la tête, quand il parle vraiment, concrètement, de ses fameuses solutions, à court terme. Très court terme, oui. Les lendemains doivent être durs. Et l’envie de recommencer doit être gigantesque.

Elle tourne la tête, le regarde. Son air fier l’intimide, et elle avoue, sans détour :

Je n’ai jamais essayé.

Jordan avait bu, parfois, mais rarement jusqu’à être ivre. Jamais jusqu’à en vomir. Elle avait toujours eu besoin de garder le contrôle, sur tout, absolument tout. Sur elle, d’abord, mais aussi sur les hommes, par la suite. Et puis, là, tout récemment, elle a compris qu’elle n’avait du contrôle sur rien. Que la vie pouvait vous jouer de mauvais tours sans raison, que ce ne sont pas forcément les gens les plus gentils, ou les plus sages, qui sont les plus heureux.

Qu'est-ce que ça fait ? La cocaïne. Qu'est-ce que ça fait ?

Quand elle entend Shay parler de drogue, avec autant d’admiration, Jordan a presque peur. Être dépendant à ce point, elle sait que c’est dangereux. Elle en est consciente, et si la sagesse l’avait emporté sur le reste, JJ aurait certainement quitté ces lieux et aurait passé un coup de fil à sa mère pour la prévenir. Mais, il n’en est rien. Elle regarde son cousin, ne le quitte plus des yeux. Sa petite bouche charnue reste un moment entrouverte, elle aussi. Elle est surprise par les propos qu’il vient de tenir. Et pas à cause de ce qu’il a dit sur elle, non ! Elle est surprise de savoir qu’une telle drogue existe.

Jordan est tombée bas, bien bas. Quand elle entend parler de ce début de solution, ça ne peut que lui donner envie. C’est triste à dire, mais le simple fait de pouvoir échapper un peu à la réalité l’excite. Elle aimerait tellement devenir quelqu’un d’autre, voir de nouvelles choses, se sentir bien, cesser de se prendre la tête… Et, apparemment, pour ça, la cocaïne est le meilleur remède.

Presque admirative à son tour, elle fixe Shay longuement, avant de répéter :

Magique.

La photographe n’ose pas bouger, ni se lancer, ni dire qu’elle aimerait essayer. Elle reste immobile, songeuse. Ce début de solution fait battre son cœur plus vite, elle est troublée, en aurait presque le souffle un peu court. Elle a envie de vérifier. Et s’il disait vrai et si c’était… magique ?

Jordan, au bord de la grande fenêtre, rêvasse un peu. Elle pense à cette possibilité, essaie de l’occulter, mais ça lui reste bien en tête. Les propos de Shay, en fait, lui restent en tête. Le mot « magique », surtout. Et si c’était vrai ? Cette question, elle se la pose dix fois, peut-être vingt fois d’affilée. Elle aimerait y croire, et en même temps, elle aimerait que ça ne se réalise pas. Ce serait plus sain pour elle si c’était faux, et si JJ décidait de ne plus jamais y toucher, right ?

Enfin, il faudrait d’abord qu’elle commence.

Cette fois, la jeune femme ne détourne pas le regard. Elle observe les gestes maîtrisés et précis de son cher cousin. D’abord, une rasade de vodka. Ensuite, de belles lignes toutes blanches, et toutes droites. Quant son regard croise le sien, Jordan rougit. Elle est tentée. Et elle sait que ça se voit. D’ailleurs, Shay se montre généreux. Ou pas. Il lui propose d’essayer. JJ hésite. Elle a envie de fumer.

Ses deux mains glissent sur sa cuisse, celle qui était à plat sur le rebord. Puis, elle passe une main dans ses cheveux, regarde à nouveau dehors, comme si une meilleure solution encore pouvait se trouver là, juste sous ses yeux. Mais rien. Alors, timidement, elle se redresse, et se lève. La belle brune marche lentement, et pas très sûrement. Elle manque d’assurance. Elle ne dit plus un mot. Elle n’ose pas dire que oui, l’envie d’essayer est là. Elle n’arrive pas à avouer qu’elle aimerait être loin, très loin, et que la coke peut l’aider à décoller.

Les mots lui manquent, mais ne manqueront pas à Shay, puisque ses gestes parlent finalement pour elle. En effet, elle vient s’asseoir juste à côté de lui. Un peu apeurée, tout de même, elle attrape la bouteille de vodka, pour en boire une longue gorgée à son tour. Ça lui brûle la gorge, alors elle la repose, en voyant sa main légèrement trembler.

Elle tourne la tête vers Shay, et demande :

Ça fait mal… ?

Jordan est forcément un peu inquiète. Elle n’a jamais essayé ce genre de choses, et elle trouve ça un peu brutal, de respirer une poudre, comme ça. Elle se demande même si ça ne fait pas mal. En reposant la bouteille de vodka, la jeune femme voit sa main trembler, mais s’empresse de la cacher sous sa cuisse, l’air de rien. Elle ne voulait pas paraître faible ! Et pourtant… Ô Dieu, qu’elle l’était…

Shay la rassure. Par les mots et puis, il finit par lui montrer. La jeune femme a un frisson puissant en le voyant faire. Ça n’a l’air de rien. D’ailleurs, il se relève vite, reprend la parole, comme s’il venait de boire une gorgée de coca, comme si… de rien n’était. Cela conforte JJ dans son envie d’essayer. Elle avait un peu peur, mais comme son cousin venait de le faire, et comme il avait l’air d’aller bien malgré ce qu’il venait de prendre, elle se disait qu’elle ne devait pas se laisser submerger par des craintes inutiles.

La photographe scotche sur la ligne de cocaïne qui l’attend, juste sous ses yeux. Et puis, elle relève brusquement la tête, quand Shay termine sa phrase, et qu’il l’appelle Jordan. Elle sourit, et reprend, en essayant de se détendre, en essayant de ne pas montrer ses craintes.

Si tu veux.

La jeune femme avale bruyamment sa salive, puis se penche en avant. Pour ne pas être gênée par ses longs cheveux, elle passe les deux mèches qui lui encadraient le visage juste derrière ses oreilles. Elle prend une profonde inspiration, tout en s’approchant de la ligne, et pose finalement sa main tremblante sur le rebord de la table. Un dernier regard est adressé à Shay. Un regard apeuré, en fait. C’était une spirale infernale. Comme quand elle était venue frapper à sa porte, Jordan ne savait pas, une fois de plus, pourquoi elle en arrivait à vouloir snifer une ligne de coke. Elle ne se l’expliquait pas.

Mais elle le fait quand même. Avec l’index de sa main libre, elle appuie sur sa narine gauche, puis respire toute la ligne de poudre avec la droite. Cette sensation désagréable de ne plus respirer la submerge, l’inquiète, et JJ retombe dans le canapé, toute tremblante, en s’essuyant le nez. Ensuite, elle réalise. Elle l’avait fait. Et la musique qui résonnait dans la pièce rendait juste les choses… dramatiques.

Jordan ne sait pas pourquoi, mais maintenant, c’est fait. La jeune femme ne se préoccupe plus de Shay, et essaie surtout de supporter ce qu’elle vient d’ingérer. Ses mains tremblent toujours, mais certainement pour une toute autre raison. Nerveuse, la photographe essuie son nez, en se laissant aller au fond du canapé. Elle avait tellement peur de regretter mais, en même temps, très rapidement, les effets se font sentir, et les angoisses disparaissent aussitôt.

D’abord, une chaleur la submerge. Elle n’a pas trop chaud, non, elle est juste bien. JJ se sent apaisée, à l’aise, bien plus qu’auparavant en tout cas. Ses sens sont en éveil et, doucement, elle vient se coucher sur le sofa, en regardant le plafond un instant. L’envie de dormir n’est pas là, mais elle profite pleinement des effets qui montent, et montent, tout doucement, mais sûrement. Un sourire léger vient s’inscrire sur ses lèvres, et sans doute qu’il ne la quittera plus, jusqu’à ce que les effets retombent.

La musique l’aide à rester si sereine, bien qu’elle ressente en elle comme un sacré regain d’énergie. La belle brune passe une main dans ses cheveux, tout en sentant ses réflexions s’envoler une par une. Elle a l’impression d’être incapable de penser, de songer sérieusement, mais ça n’est pas plus mal, finalement.

Puis, elle cherche son cousin du regard. Comme il s’est accroupi pour dessiner, la jeune femme ne parvient pas à le voir. Sachant pourtant qu’il est là, elle l’appelle, sans s’inquiéter pour autant de ne plus le trouver dans la pièce :

Shay… ?

Les questions se dissipent, comme les doutes, les craintes, et les peurs. Tout s’envole, et laisse finalement place à une quiétude assez déconcertante. JJ se sent comme apaisée et, pourtant, elle est toute nerveuse, très excitée. Elle pourrait danser la polka sur la table basse, si la musique lui en donnait l'envie. La jeune femme essaie presque de résister, de garder le contrôle, au moins un peu, mais c’est déjà peine perdue. Elle penche la tête, regarde le plafond et a l’impression d’y voir des choses drôlement intéressantes…

La bouche entrouverte, elle se laisse planer, souriant quand le cœur lui en dit. La jeune femme s’étend complètement sur le canapé, croise les jambes, puis penche la tête encore, et encore, au point de la laisser tomber dans le vide, presque.

Le temps que met Shay à réagir fait oublier à Jordan qu’elle l’avait interpellé. Stone, la jeune femme part à rire bêtement quand il lui demande si elle kiffe. La photographe, machinalement, lève les bras, comme pour s’étirer. Et, comme lui, elle met du temps à répondre à sa question. Une minute passe.

Ouaaaiisss.

Souffle-t-elle, l’air béat, ne luttant même pas pour essayer de le regarder. Il n’est pas dans son champ de vision, elle ne voit que la table basse, ou plutôt, ce qu’il y a en dessous. Ses bras retombent d’un coup sur son corps presque inerte, et Jordan part à rire. La vie lui semblait soudainement plus facile. Ses problèmes paraissaient bien loin. Quels problèmes, d’ailleurs ? Elle avait déjà tout oublié.