Insanity's horse adorns the sky

Troisième jour de boulot pour la nouvellement photographe Eagle Blake Seymour et elle pouvait enfin arpenter les couloirs avec cette agréable sensation du travail fini -et plutôt bien fait, au passage. Avec son habituel scepticisme de perfectionniste, elle jette un coup d’œil aux clichés qu'elle tient entre ses mains, et se demande si les libertés artistiques qu'elle a pris avec certaines prises de vue seront au goût du journaliste qui l'avait mandatée. Prendre des photos, c'était tout nouveau pour la jeune fille, elle n'avait vraiment pas d'expérience en la matière ; en revanche, le cadrage, ça c'était son truc. Certes, elle avait rarement eu l'occasion de toucher des appareils photos de toute sa vie, mais elle avait néanmoins très souvent eu une caméra collée au poing, et le support avait beau être très différent, elle remarquait quelques points communs d'ensemble, et, d'un point de vue technique, c'était sensiblement la même chose.

En se mordant pensivement la lèvre inférieure, elle remarque certains défauts très légers -là, il n'y a pas suffisamment d'espace entre le regard de l'actrice et le cadre sur ce cliché, et puis ici elle a laissé trop d'air, quoique peut-être cela joue-t-il en faveur d'un certain rendu artistique pas si désagréable ?- et se fait la réflexion qu'il serait temps qu'elle se mette à ces logiciels de retouche d'images, jusqu'à ce qu'elle soit suffisamment pro pour obtenir des résultats parfaits du premier coup. Au moins, elle avait géré au niveau de la lumière, c'est ce qu'elle se disait pour se consoler.

Le journaliste en question n'étant pas dans son bureau au moment où Blake y passait, elle se contente de déposer l'enveloppe contenant à la fois les photographies et une clef USB ; bon, c'est sûr, elle aurait aimé papoter un peu et commenter son travail, mais tant pis, elle trouvera bien le moyen de le coincer un jour ou l'autre. D'autant qu'elle s'était promise de lui payer un café un de ces quatre, pour le remercier d'avoir fait appel à elle -la plupart des journalistes qui bossaient ici avaient leurs photoreporters préférés auxquels ils faisaient systématiquement appel, et tous ne songeaient pas à la « tester » comme lui l'avait fait. Il n'y avait qu'à espérer qu'elle ne se soit pas trop vautrée.

Une fois n'est pas coutume, le look de Blake laissait légèrement à désirer. Son jean était déchiré à plusieurs endroits (non pas qu'elle se plaisait à détruire elle-même ses fringues, mais elle s'était déguisée récemment en Kurt Cobain pour une fête à laquelle elle avait été invitée, et elle aimait trop le jean qu'elle avait rapiécé pour l'occasion pour s'en séparer pour un si futile problème d'aérations en trop) et la chemise à carreaux dans les tons noirs/gris/blancs qu'elle portait ouverte sur un débardeur sombre lui avait aussi servi pour son déguisement, soit dit en passant. Après avoir retroussé les manches de sa chemise, la gitane se passe une main dans les cheveux, comme si cela pouvait arranger le champ de bataille qui régnait la haut, et repart d'un pas allègre dans le couloir, à l'affut de nouvelles missions.

Perdue dans ses pensées, Blake s'imaginait ce qu'elle pourrait ressentir si elle devenait une espèce de photographe célèbre, et que les stars se battaient à ses pieds pour être prises en photo par elle. Dieu que ça serait flatteur. Un sourire indicible aux lèvres, la gitane tente de se convaincre qu'elle n'utiliserait sa notoriété qu'à des fins honorables et qu'elle tirerait d'ailleurs profit de son incroyable budget pour rétablir la paix dans le monde. Bref, rien que des songeries très habituelles dans la petite tête de Eagle Blake Seymour. Il y avait fort à parier que, si elle était seule, elle serait même actuellement en train d'animer des débats-conférences imaginaires tout ce qu'il y a de plus important.

Quand tout à coup elle perd pied avec ses rêveries, ramenée de force dans la réalité. « Hey. » ? Qui est-ce qui a pu l'interpeller de la sorte ? Elle ne connaît personne ici, après tout. Intriguée, elle stop net sa promenade dans les couloirs pour tourner la tête vers l'origine de la voix qui l'avait tirée de ses laborieuses tergiversations. Extraordinairement surprise quand elle reconnaît finalement le jeune homme en question, elle ouvre grand la bouche et, au bout d'un certain temps, se décide à en faire sortir quelques mots.

« Samuel ! Samuel Preston, ça alors ! »

Et oui, elle se souvenait même de son nom de famille. C'est qu'elle était futée. Et puis, il lui devait toujours une dédicace, quand il sera riche et célèbre (décidément, on tourne toujours autour des mêmes thèmes...) et ça elle ne l'avait pas oublié... Amusée par la coïncidence, elle s'approche de lui en se passant la main dans les cheveux, une nouvelle fois (ça devenait une obsession...) et sourit à l'entente de sa question.

« Oh non, pitié, ne le lance pas ! J'ai encore un énorme hématome de la dernière fois... Tu ne maîtrises vraiment pas ta force, tu sais. »

Oui oui, l'hématome persistait depuis... Janvier, février, mars, avril... Eagle compte les mois dans sa tête, c'est difficile mais il lui semble bien que cela fait quatre mois qu'elle ne l'a pas vu. Et maintenant qu'elle y songe, la dernière fois qu'elle avait partagé un moment avec lui, cela s'était terminé par un baiser avorté car la jeune fille avait du partir à la rescousse de Josie qui avait été à deux doigts de se faire embarquer par la brigade des stup'. Stupide Josie.

« Je ne suis pas au point avec les conventions sociales ; pour te dire bonjour, je fais comment ? Signe de main, j'te fais la bise ou on se sert la main ? Ou est-ce que c'est juste un truc de mec de se serrer la main ? Quoique maintenant que j'y pense, ça fait un peu formel, quand même. »

Si la gitane peinait à réfléchir dans sa tête, force est de constater qu'à voix haute ça lui semblait bien plus accessible.

« Oh, et, désolée pour la dernière fois ! Chaque fois que j'embrasse un mec, y'a toujours une de mes soeurs qui est en danger de mort ou quelque chose d'approximatif. Ma vie est assez triste en fait. Mais je suis vraiment désolée ! Ça a du être vachement frustrant pour toi en plus. » (a)

Dit-elle avec un parfait petit air angélique. C'est amusant de constater à quel point elle pouvait lancer la conversation sur des tas de trucs différents, sans même s'interroger sur la présence du jeune homme dans ces lieux. Bah, donnons lui encore quelques minutes !

[Elle est belle sur le vava *____*]

Samuel était en pleine réflexion, lorsque son regard fut attiré par une forme passant dans le couloir. Lorsqu’il tourna ses yeux vers cet objet marchant non identifié, il se rendit compte qu’il s’agissait d’une personne, et même de quelqu’un qu’il avait déjà vu. Un peu surpris, il lui fallut une seconde pour avoir la bonne idée de se lever et d’aller saluer la jeune femme, même si elle marchait d’un bon pas et n’avait pas l’air de vouloir s’attarder. Il ne comptait pas la retenir si elle avait des choses à faire, juste la saluer, parce que ça faisait un bail ! Lorsqu’il lui signala sa présence, elle sembla un peu surprise, ce qui était logique, puis arriva très bien à le remettre.

« J’t’avais bien dit de retenir mon nom, qu’il te serait utile. »

Lança-t-il en souriant. Il n’avait aucun doute sur le fait qu’elle aurait pu le reconnaître, après tout, ils s’étaient croisés une fois, il l’avait invitée à une soirée et elle était venue, alors qu’elle ne semblait pas des plus emballées au début. Bref, ils en étaient toujours au stade de connaissances, même s’ils avaient partagé un minuscule, un infime moment plus ou moins intime... dans la mer.... à côté d’une plage très peuplée. x)

« Quelle surprise hein. »

Lança-t-il, un petit sourire aux lèvres. Sérieusement, ça lui faisait plaisir de la revoir. Il appréciait bien sa compagnie, trouvant que le temps passe plus vite, lorsqu’il papote avec la gitane. Elle est marrante et puis elle ne prend pas les choses aux sérieux, comme lui. L’humour et la dérision sont bien plus distrayants que la platitude de la réalité.

Voyant que la jeune femme se rapprochait, il se dit qu’il n’aurait cette fois ci pas besoin de lui lancer son briquet à ses pieds, et elle confirma verbalement sa pensée. En effet, elle lui annonça qu’elle souffrait toujours de leur première « rencontre », exagérant tellement le choc qu’avait eu son frêle pied contre le grand vilain briquet.

« Je sais. »

Lança-t-il d’un ton suffisant, qu’on lui connaissait bien. Après tout, il était un dieu vivant, la force faisait partie des attributs dont l’avait doté la bien généreuse dame nature. Il ne manqua pas de rire lorsqu’Eagle lui fit part de son désarroi de n’être pas au point sur la manière adéquate de le saluer. C’est vrai que vu qu’ils s’étaient quittés de manière super bizarre, à un moment vraiment pas opportun, se redire bonjour après autant de temps ça pouvait être euh, un peu étrange.

« Pour t’épargner de te tromper, on peut faire le tout. »

Fit-il en joignant le geste à la parole, faisant un petit signe de main avec un sourire idiot, s’approchant pour serrer la sienne et lui fit finalement la bise. Crétin x).

« Tracasse, je comprends. Elle a du être carrément jalouse de te voir en si bonne compagnie ta sœur. Il a bien fallu qu’elle trouve quelque chose pour nous séparer. »

Décidant d’arrêter de dire des âneries pendant trente secondes, il lui demanda :

« Tu vas bien depuis le temps ? »

Réellement intéressé par la réponse que la jeune femme pourrait lui donner.