As before [Terminé]

Enfin, la boisson que Mona avait commandée arriva. La jeune femme en avait étudié toutes les étapes de la préparation, depuis sa place privilégiée au bar. Chaque geste du barman la confortait qu’il préparait bien son cocktail, en y voyant un à un les ingrédients habituels mélangés. Enfin, la boisson colorée à base de rhum, de jus d’ananas et de lait de coco arriva entre ses doigts, et elle put y plonger les lèvres. C’était tout juste si elle ne fermait pas les yeux de plaisir. Mona Lisa n’était pas extrêmement portée sur l’alcool, elle devait se forcer à avaler des shoots et les vins ne présentaient aucun intérêt pour ses papilles. Mais les cocktails… Elle ne savait pas les refuser. L’alliance des jus de fruits sucrés et du gout rafraichissant de l’alcool lui était irrésistible. Elle fut cependant surprise de ne pas recevoir sa note : elle avait remarqué, depuis le temps qu’elle fréquentait l’endroit, que les serveurs avaient pour ordre de vous fourrez l’addition sous le nez dès l’instant que vous recevez la boisson : comme ça, les chances que les clients s’enfuient sans payer sont moindres, sans doute.

Lisa était captivée par le bord circulaire de son verre, qui avait été posé dans une sorte de sirop sucré collant, puis plongé dans des gros grains de sucre multicolores, de sorte que le rebord du verre était coloré, granuleux, sucré et délicieusement sophistiqué. La jeune femme s’amusait à manger les bouts de sucre, quand soudain, une voix masculine s’éleva à coté d’elle. En effet, fascinée par son verre, la jeune femme n’avait pas remarqué qu’elle avait de la compagnie. Abaissant son verre et retrouvant un peu ses bonnes manières, elle se tourna vers lui pour observer un beau visage aux traits durs. Surprise, elle mit un temps à se souvenir de sa phrase. Ah oui, la compagnie. Elle lui sourit, entre le poli et l’amusé, et répondit, avec son fort accent britannique (qu’elle avait d’ailleurs eut le plaisir de découvrir chez son interlocuteur aussi) :

« Oui, en effet. J’ai eu le mauvais goût de m’imaginer que je connais assez de monde à Sydney pour ne pas avoir à prévoir à l’avance avec quelqu’un de le retrouver ici. » Elle hausse les sourcils expressivement, et reporte son verre de Piña Colada à sa bouche, pour y prendre une nouvelle lapée de boisson sucrée. Elle continue, en reposant son verre : « J’avais tord ! »

La jeune femme se retint de préciser qu’elle l’avait remarqué, aussi, sans compagnie. Mais il en suivrait qu’elle se mettrait à bafouiller, rougir, et raconter n’importe quoi. En effet, si la jeune femme a réussit à garder son calme et répondre normalement au garçon à l’instant, ça tient du miracle, surtout comme il l’a prise de court. La jeune anglaise ne sait en effet jamais comment se tenir avec les inconnus, du fait que, justement, elle ne les connait pas. Elle ne sait pas ce qui peut les toucher, les faire rire, leur plaire en somme. Du coup, elle fait, inconsciemment, un peu tout et n’importe quoi, et finit par donner l’image d’une fille complètement névrosée. Pour éviter les gaffes, elle s’en tient à un classique, incontournable de toute façon :

« Oh, puisque nous sommes menés à nous tenir compagnie, je m’appelle Mona Lisa. » Elle esquisse un rapide sourire un peu blasé, et dit : « Mais on choisit en général l'un ou l'autre. »

Quand Mona Lisa eut terminé de lui expliquer comment un égo un peu surdimensionné l’avait menée à se retrouver seule au bar des artistes en fin de soirée, le jeune inconnu affirme qu’ils se sont bien trouvés. Si Lisa avait plus de répartie et de culot, elle n’aurait pas cachée sa surprise à cette affirmation, soudaine et d’apparence injustifiée. A moins que le jeune homme voulait dire que lui aussi se retrouvait seul parce qu’il était venu en supposant trouver de la compagnie sur place. Oui, c’était surement ça. La jeune femme esquisse un rapide sourire affirmatif. Son cocktail toujours à la main, elle tourne un nouveau regard vers le jeune homme, le détaillant plus, cette fois. Elle n’avait en effet d’abord que remarqué un garçon qu’elle ne pensa it pas connaitre.

Elle le dévisage pour voir un jeune homme, approximativement de son âge, assez bien habillé et plutôt bien fait. Un accent anglais, mais un peu différent du sien. La jeune femme n’est pas sure qu’il soit réellement anglais – peut-être qu’il n’y a simplement que passé quelques temps ? Elle ne le fait cependant pas remarquer tout de suite. Après s’être présentée, elle boit une longue gorgée de son cocktail. Elle regarde combien il lui en reste, et découvre qu’elle a déjà dégusté plus de la moitié de son verre. Ca part trop vite, ces saloperies là. Le jeune homme décide de non pas choisir l’un de ses prénoms, comme beaucoup le font, mais de lui créer un surnom, Molly. La jeune femme n’a pas le souvenir d’avoir déjà été appelé ainsi, mais ce nouveau patronyme lui plait assez. Un sourire franc éclaire son visage, et devient un sourire sensible, entre le narquois et le touché, quand le garçon ajoute que ça lui va bien. Il se présente ensuite, en ajoutant rapidement qu’elle n’a pas besoin de lui trouver un surnom. Mona Lisa rit doucement à son avertissement, essayant de s’imaginer quel surnom il pouvait redouter ? En même temps, Caleb, c’est vrai, ce n’est pas très pratique pour les surnoms. Le seul que Mona Lisa puisse imaginer, c’est Caca, et elle se retient de le partager avec le jeune homme. Avec son rire léger, elle lève les mains, comme pour montrer qu’elle ne tiens pas d’arme, et répond avec un amusement évident :

« Très bien, très bien, pas de surnom ! J’aime beaucoup Molly. C’est nouveau. »

Elle se sentait à l’aise avec le garçon : elle n’avait pas encore bafouillé une seule fois ! Rien que ça, ça valait des points positifs à Caleb, dont Mona Lisa était maintenant heureuse de faire la connaissance. Elle ajouta, pour ne pas laisser la conversation se terminer.

« Tu es anglais, non ? Ou tu as été pas mal de temps en Angleterre ? »

[Alors, ca va finalement, de jouer un garçon ? ]

Un fin sourire se dessine sur les lèvres de Mona Lisa quand Caleb remarque qu’il gagne déjà des bons points. Il n’a pas tord, c’est vrai. Mais il a peut-être eut de la chance ? L’aisance de ses manières, sans faire dragueur lourd, plait à la jeune femme et la met à l’aise. Il est vrai qu’elle est généralement plutôt timide, et aurait pu être dérangée par le fait qu’il lui donne un surnom aussi rapidement. Mais elle l’y a un peu invité, en précisant que souvent, au lieu de l’appeler par ses deux prénoms, on en choisissait un. Et puis, Caleb avait eu de la chance dans son originalité : Molly lui plaisait réellement. Quand elle fait remarquer qu’il a un accent anglais, le jeune homme sourit, et répond qu’il espère cependant ne pas en avoir un aussi marqué que le sien. Mona, pendant qu’il lui lançait cette petite pique, terminait d’un trait son cocktail. Elle repose son vers et se tourne vers lui avec une moue entre l’outré et l’amusé. Avec un petit rire, elle répond :

« Eh ! C’est très joli, l’accent britannique ! » Faussement vexée, mais trahie par un rapide sourire, elle ajoute : « Au moins, nous, on n’avale pas la moitié des mots. »

Elle continue de rire doucement, en regardant son verre vide repartir, saisit silencieusement par un serveur qui ne voulait pas les déranger. Mona Lisa n’avait toujours pas reçu sa note, ce qui l’étonnait de plus en plus. Caleb reprend la parole, et lui explique qu’il vient de rentrer. Mona Lisa le regarde avec un peu d’envie : ça fait deux ans qu’elle n’a pas été en Angleterre, et ça lui manque. Londres lui manque, la pluie lui manque, les scones lui manquent, les gens là-bas, sa grand-mère et même son village où elle s’est tant ennuyée ! Caleb, lui, à l’air plutôt content d’être venu (ou rentré ?) en Australie.

« Ah, je t’envie. Ca fait plus de deux ans que je n’ai pas été chez moi. » Elle repousse une mèche de ses cheveux, qui, férocement bouclés, ont tendance à devenir aventureux et déranger son visage, puis reprend : « Ce que je fais ici ? Je tiens une petite librairie, « The Tin Bookend »… Mais si tu viens d’arriver, tu ne peux pas connaître. Si tu n’es pas anglais, tu viens d’où ?»

Elle tourne la tête pour regarder vers le serveur. Il n’a pas l’air d’avoir l’intention de lui apporter une note. Elle regarde Caleb avec les sourcils arqués, et demande :

« Est-ce que tu as payé pour ta bière, quand il te l’ont apportée ? Parce qu’on ne m’a pas encore apporté la note, et d’habitude, c’est la première chose qu’ils font, ici… »

Molly ne répond que par une petite grimace à la réplique de Caleb, qui maintient, sans non plus contredire explicitement la jeune femme, que l’accent anglais n’est pas désirable. La petite grimace, bien sur, lui est adressée à titre humoristique, et met fin au sujet. Caleb parait par la suite surpris d’apprendre que la jeune femme est libraire, et tient sa propre boutique. Il n’est pas le premier à l’être, d’ailleurs : de nos jours, c’est plutôt rare, les jeunes en début de vingtaine qui tiennent leur propre commerce. Et puis, une librairie, ce n’est de toute façon pas commun. Mais Mona Lisa se plaisait à être originale professionnellement. Et puis, avec sa librairie, qui ne cessait de gagner en popularité, elle vivait bien mieux que tous les musiciens et acteurs qui essayaient encore de percer dans la métropole australienne. Elle haussa les sourcils d’un air amusé et ironique quand Caleb fit un commentaire, et l’appela « la petite ». Elle se demanda rapidement où cette complicité, presque naturelle, allait les mener. Repoussant la question pour le moment, elle baissa les yeux avec un petit rire, et dit :

« Mhm, n’est ce pas… » Relevant les yeux, elle continua. « Mais toi, tu vas faire quoi ici ? Tu as un boulot ? »

Caleb passa ensuite à une autocritique fervente de son apparence physique, se disant l’opposé du stéréotype australien. En effet, il était plus pâle, ses cheveux étaient presque noirs. Si il était musclé, Mona Lisa ne pouvait pas le savoir, mais elle pouvait en tout cas affirmer qu’il n’était pas juste avec lui-même en disant qu’il n’était pas beau. Mona Lisa le trouvait, au contraire, beau garçon. Certes, son visage n’était pas évident. Ce n’était pas celui qu’on voyait facilement comme personnage principal d’une série B américaine. Mais les traits, francs, et son visage altier étaient autrement séduisants. Elle sourit cependant quand il termina, fatidiquement, sur l’affirmation que personne n’est parfait. Elle laissa même échapper un petit rire d’entre ses lèvres, et répondit :

« Non, en effet. Mais la perfection, c’est barbant, alors… »

Quand la jeune femme demande à Caleb s’il a payé sa note, il répond que oui, et suggère qu’elle a peut-être tout simplement oublié qu’elle a payé. La jeune femme lui lance un regard sceptique, et répond qu’au prix des cocktails ici, sa carte bleue et elle avec s’en seraient souvenues, si elles avaient payé. Elle rit pourtant volontiers quand le garçon l’imagine en train de laver des verres en cuisine. Elle réplique joyeusement que si c’était le cas, elle dirait que c’était Caleb qui payait. Elle lui promit cependant, avec un regard malicieux, de venir lui rendre visite en cuisine. C’est le moment que choisir un serveur pour les aborder. Il a en effet remarqué qu’ils ne consomment plus, et vient leur proposer de commander autre chose. Mona Lisa saute sur l’occasion, et répond :

« Ah, oui, volontiers. Je prendrais une bière, s’il vous plait. Et vous pourriez m’apporter la note pour le cocktail ? Je ne pense pas l’avoir payé… »

Perplexe, le serveur lance un long regard à Caleb.

( désolée pour la longueur .__.' j'as pas fait exprès x) )

Fichue manie de donner des surnoms. Caleb se plait toujours à se montrer plus ou moins original et surtout ne pratiquement jamais appeler les gens par leur prénom. Un joli petit surnom implique une certaine complicité. Ca aiderait presque à bien s'entendre du moment que la personne en question le prenne bien, ce qui est le cas de Molly. Quelque part, cette manière d'agir colle parfaitement à sa personnalité et à sa manière d'agir généralement sur le plan autant amical qu'amoureux. Il n'est pas de ceux que l'on peut classé dans la case "salope" non, il n'est pas du tout du genre à sauter sur tout ce qui bouge ni même à utiliser les autres pour se satisfaire sur un plan quelconque.

« Si tu arrives à deviner, je t'offre un autre verre ! »

Dit-il avec un sourire malicieux, lui avouant implicitement lui avoir payé son premier verre par pure galanterie d'ailleurs. Il ne prends pas beaucoup de risque à ce sujet vu que Caleb est persuadé que personne n'a comme première idée de proposer le métier de sauveteur en mer. Pas que ce soit en bas de l'échelle ou quoi que ce soit, mais surtout à Sydney, on pense directement à quelque chose de plus artistique dirons-nous... Enfin de toute façon il vient d'arriver, il aura largement le temps de changer de direction, et faire un peu autre chose pendant son séjour. S'embourber dans une routine, il n'y a rien de plus ennuyeux que ça. La vie offre tellement de possibilité !

Puis il part sur une autocritique pour répondre à sa question. Le jeune homme est australien, du moins d'origine vu qu'il a pratiquement toujours vécu en Angleterre. C'est une manière plus subtile de répondre à sa question. Parce que d'une part tout le monde sait qu'il n'y a rien de plus refroidissant que de raconter sa vie de but en blanc à une première rencontre, et d'autre part parce que Caleb n'est pas non plus le genre de jeune homme à aimer parler de lui et de son passé. Pas qu'il en ait honte ou quoi que ce soit dans ce goût là. Juste que il y a d'autres choses à dire x) Des choses bien plus intéressantes...

« Dois-je en déduire que je te plais ? (a) J'ai connu plus subtile comme déclaration... »

S'exclame-t-il en prenant d'abord un air très sérieux et concerné, avant bien sur que son sourire refasse son apparition sur ses lèvres. Certes c'est un jeune homme qui prends plus ou moins soin de lui. Mais il n'est pas du tout sérieux en lui posant cette question. Non, il n'est pas de ceux qui se pavanent devant les femmes en roulant des biceps, en fait il n'est même pas réellement sur de lui pour ce qui concerne le physique, c'est vrai quoi, il n'est même pas le mec type que l'on voit partout. Ca peut être un avantage autant qu'un inconvénient selon ce que l'on veut faire dans la vie...

Quand elle réplique qu'elle dirait que c'était à lui de payer, mais qu'elle viendrait lui rendre visite pendant qu'il ferait la vaisselle, Caleb ne peut s'empêcher d'éclater de rire, elle est quand même mignonne quand elle s'emporte et se laisse aller. Il ne sait pas comment elle est normalement ou avec les autres, mais la Molly avec qui il s'entretient lui plait bien ! Du coup, il est bien obligé de rétorquer qu'elle est décidément trop sympa.

Finalement le serveur revient vers eux. Il faut bien qu'il fasse son job et des clients qui restent au bar sans consommer, ce n'est pas forcément bien pour le business. Molly commande et ne peut apparemment pas s'empêcher de s'inquiéter pour sa précédente note qui ne lui est pas parvenue !

« Ce sera aussi une bière pour moi ! »

Dit-il avant que le serveur n'ait le temps de prendre la parole pour dire que c'est en fait déjà réglé. Le jeune homme lui fait un signe pour lui dire que c'est bon et qu'il n'a pas besoin de répondre à cette question. En fait, il n'a surement rien compris de ce qu'il se passe en ce moment même. Quant à Caleb, il trouve ça très marrant. D'ailleurs, il ne peut s'empêcher de rire, jetant un coup d'oeil à Molly, avant de finalement réussir à reprendre son sérieux pour prendre la parole.

« Qui sait, c'est peut-être sa manière de draguer x) »

Commente Caleb en désignant le serveur qui s'affairait à aller chercher deux bières, enfin bon si c'était vraiment ainsi qu'il s'y prenait, pas étonnant qu'il n'ait pas de succès, surtout vu le regard qu'il avait lancé d'abord à Molly puis au jeune homme. Caleb affiche un sourire adorable, dévisageant la jeune femme à ses côtés. Elle est mignonne, ce ne serait même pas étonnant que le premier venu décide de lui offrir un verre. Certaines personnes s'imaginent même que quand ils offrent un verre la personne leur est « redevable » et finira par le leur rendre en couchant avec eux. Pour ça, Molly n'a aucun souci à se faire avec Caleb...

La jeune libraire plissa les yeux en regardant Caleb, quand il lui répond qu’elle n’a qu’à deviner quel est son métier, où ce qu’il fait dans la vie. Si elle trouve, ajoute-t-il comme condition, il lui paye un autre verre. Amusée, Molly ne relève pas le double sens de sa proposition : pour elle, Caleb veut juste lui payer un verre, outre celui qu’elle a bu auparavant. Elle ne saisit pas son insinuation, comme quoi il avait déjà payé le précédent. Se sentant mise au défi par la proposition de Caleb, et assez satisfaite à l’idée d’avoir une autre boisson gratuitement. Alors, elle tourne vers le jeune homme un regard inquisitoire et réfléchit un peu. Quelques secondes plus tard, elle sait qu’elle n’a aucune idée de ce que le garçon peut bien faire. Ses habits, de voyages, ne trahissent rien, et ses manières n’indiquent pas une appartenance à un groupe particulier. Avec un rapide rire, elle dit :

« Euh… Voyons. Vous… étudiez encore ? » Elle était en fait assez sûre que non, réalisa-t-elle en se reprenant : « Non, non, je n’ai rien dit ! vous êtes… critique ? » Il avait bien ce petit air mesquin cultivé des critiques littéraires, malgré la franchise de sa façon.

Mona Lisa fut très surprise, même presque choquée par la remarque qu’il fit ensuite. Elle n’avait jamais été confrontée, sobre (ou presque), à ce genre de questions… chargées de sens. Elle n’était pas du tout disposée à y répondre, par ailleurs. Comment cet inconnu pouvait-il déduire, d’une simple phrase banale, qu’il lui plaisait, et en plus le dire à voix haute. Mona Lisa n’avait pas pensé faire une avance en lui disant que la perfection, de toute façon, était bien ennuyeuse. Elle n’eut pas le temps de lui répondre négativement, que le garçon riait. Toujours un peu perdue, Mona protesta

« tu me fais dire ce que je ne dis pas ! D’accord, t’es moche. Voilà. » x)

Elle fut sauvée dans son vague embarras, qui lui restait depuis que Caleb avait fait exprès de mal la comprendre, par l’arrivée du serveur. Elle choisit une bière, car c’était la boisson la moins chère qui se vendait ici. Elle ne put pas rater l’échange de regards expressifs entre les garçons après qu’elle ait demandé à recevoir la note du cocktail. Les sourcils froncés et les yeux plissés en une moue suspicieuse, et écoute le serveur lui dire, jouant très mal la comédie, qu’elle a déjà payé, l’a-t-elle déjà oublié ? Mona Lisa le regarde s’en aller pour leur servir les bières, et tourne son regard, lourd d’une accusation amusée.

« J’espère que mon cocktail ne t’as pas coûté trop cher… »

Mona Lisa finit par se rendre, et avoue avec un haussement d’épaule qu’elle n’a aucune idée de ce qu’il peut bien faire. L’attitude presque mystérieuse du garçon la rend curieuse. Elle le trouve mignon à tout tourner en jeu ; leur conversation n’a pas du tout été sérieuse, depuis qu’elle a commencé. C’était un train de caractère qu’elle s’étonnait d’apprécier, et qui la mettait à l’aise. Elle laisse tomber le sujet du travail – pour le moment. En fait, elle s’intéresse au garçon. Que fait un australien avec un fort accent britannique tout seul dans un bar branché de Sydney en début de soirée ? Les pièces ne semblent pas coller, et Mona Lisa est déterminée à comprendre comment les faits se sont agencés, pour créer un individu aussi singulier.

Quand Mona Lisa réplique, brusquement, que Caleb est moche, elle n’est en rien sérieuse. Elle continuait dans la moquerie. Le jeune homme avait suggéré qu’il lui plaisait, et la petite anglaise, qui n’était pas du tout du genre à flasher sur un inconnu et décréter au bout d’un quart d’heure qu’il lui plaisait, avait répondu qu’il était moche. Puisqu’il semblait tant y tenir, avec sa dépréciation, et qu’il commençait à la taquiner avec ça. Elle ne pense en rien qu’il est « moche », et même si elle le pensait, elle ne l’aurait pas dit ainsi. C’était une réponse à ses bêtises, voilà tout. Caleb, aussitôt, renchérit, semblant parfaitement amusé par la situation. Il la prie d’arrêter de baver, et Mona Lisa, ouvra dans bouche dans une fausse offuscation, rit franchement à la vanité du garçon. Soulevant les sourcils et secouant la tête, elle répond :

« Ah, oui, pardon, je n’avais pas réalisé que j’étais bouche bée! »

Elle observe ensuite le ballet du serveur et de Caleb, qui parvient, sans aucune discrétion, à lui intimer le silence. Aussitôt, la situation devint évidente. Molly comprend que l’absence de note est due à Caleb. Elle ne sait pas si elle doit être heureuse qu’il lui ait payé la boisson, ou vexée qu’il lui ait menti. Mais après tout, c’était plus drôle comme ça : elle allait maintenant pouvoir lui lancer une petite pique (enfin, pas bien méchante). Elle sourit encore en entendant Caleb commenter sur le prix du cocktail, en précisant qu’il ne lui en repayera pas un comme ça. Les yeux plissés de sourire, elle se souvient que Caleb ne lui a toujours pas dit quelle était sa profession. Elle reprend donc le sujet :

« Si tu ne veux pas me payer un autre verre, c’est peut-être que tu ne roules pas sur l’or. Mhm, qu’est ce qui peut ne pas rapporter beaucoup d’argent ? Non, tu ne peux pas être un nouveau comédien, vu ta prestation avec l’autre serveur… Dis-moi. »

Le serveur revient alors, avec leurs bières. Il pose l’addition devant Caleb, mais Mona Lisa, d’un geste vif, s’en saisit, et explique, avant de lever la pinte pour trinquer :

« Non, c’est moi qui paye. Je n’ai pas trouvé ton métier, après tout. »

Mona continue de le regarder d’un air amusé, alors que Caleb continue à se lancer des fleurs en se vantant de l’avoir ramenée à l’ordre. Elle avait été un peu déstabilisée par sa première remarque, quand il voulait qu’elle avoue qu’il lui plaisait. Elle n’avait pas compris d’où venait une remarque aussi impromptue. Elle comprenait maintenant que c’était juste une façon de rire, peut-être un peu de flirter, mais au finalement, rien n’était sérieux. Oui, là, elle voulait bien se laisser prendre au jeu. C’est pourquoi elle avait répondu qu’elle était, en effet, bouche bée. Elle ne l’était pas, vraiment x), mais elle appréciait d’ores et déjà la compagnie du garçon, qui la faisait rire avec sa légèreté et ses bêtises. Elle n’avait pas l’habitude des conversations comme celle-ci. Quand elle travaillait, elle parlait littérature et actualité. Quand elle sortait avec des amis, elle parlait presque uniquement avec des connaissances de longue date. Cette conversation, sans être la première de ce type, était un peu exceptionnelle pour Mona Lisa. Et elle s’amusait.

Après qu’il se soit moquée d’elle, Molly se dit c’était un peu son tour aussi, histoire de ne pas se faire trop battre. D’où le commentaire sur le jeu de comédien, assez mauvais, de Caleb. Oh, il n’était pas dramatique, il pourrait même peut-être avoir un rôle dans une série, mais la jeune femme était assez sûre de ne pas se tenir devant le futur John Markovich. Elle se moque donc un peu de lui, et ne craint pas trop avoir gaffé quand Caleb lui répond, avec un air outré, qu’elle sera bien surprise quand elle le verra à l’écran. Mona pouffe, en le regardant avec des yeux rieurs.

« Je serais surprise, en effet, de voir que tu as été pris. »

Pour ne pas devenir trop méchante, elle lui pose rapidement la main sur l’épaule, en une petite tape, qui signifie qu’elle blague. De toute façon, le visage de Caleb s’était déjà détendu avant : bien sur qu’il blaguait, et qu’il n’était en train d’essayer de percer comme acteur. Il semble par ailleurs agréable surpris quand Mona Lisa se saisit de l’addition que le serveur avait posée devant lui. Après tout, il lui avait déjà payé une boisson, et Molly trouvait ça normal qu’elle payait à son tour. Surtout que la bière de Caleb était bien moins chère que le cocktail qu’il lui avait payé. Et en plus, elle avait perdu le « pari ». Elle avait toutes les raisons de payer. Caleb la remercie, et Molly sourit de façon appuyée, en haussant les sourcils et en levant son verre. Ils trinquent, et la jeune femme boit une longue lapée de la bière rafraichissante – en bonne anglaise, elle avait toujours aimé cette boisson. Elle apprend qu’il est sauveteur en mer, et hausse une nouvelle fois les sourcils, de surprise cette fois. Elle ouvre la bouche, et met quelques instants à répondre :

« Ah ouais ? Tu passes ta journée à bronzer sur une chaise haute et à te faire aborder par des filles en maillots de bain alors… Elle n’est pas trop dure, ta vie ? »

Les yeux encore pétillants de rire, Molly s’imagine Caleb, juché sur un petit donjon de barres métalliques, veillant à la sécurité des baigneurs en exposant son visage et son corps blancs aux rayons du soleil. Elle rit doucement, même si elle se dit qu'elle ira surement le voir : juste pour voir si il a menti sur le fait qu'il n'est pas bien construit, bien sur.

Mona Lisa sourit en se mordant la lèvre inférieure quand Caleb lui confia que, en effet, c’était fatigant de se faire aborder par des filles en bikini. Ce n’était pas une façon de draguer, ou d’avoir l’air plus s*xy, de se mordre la lèvre, c’était plutôt une moue un petit automatique quand elle souriait à une remarque sarcastique. En effet, elle s’imaginait que, quoi que puisse dire Caleb, il ne devait pas trop regretter de se faire aborder de temps à autre : après tout, c’est plutôt flatteur. Enfin, elle n’était pas sur de l’envier non plus. Ca devait être vaguement lourd, à force, de se faire sans cesse interrompre par une personne qui venait s’exposer et essayer de conquérir. Le pauvre garçon ne devait jamais avoir la paix – surtout que Mona Lisa, alimentée de préjugés, peut aisément imaginer les conversations des filles qui viennent lui parler sur la plage.

Mais, jouant toujours le jeu, la jeune femme mime un air jaloux, et pince les lèvres :

« Mouais. C’est sur, je te plains, se faire draguer par toutes ses minettes, ça doit être dur. »

Son sérieux ne tient pourtant pas plus de quelques secondes, puis un sourire perce sur son visage, alors qu’elle récupère son verre de bière pour y prendre quelques gorgées. Elle s’étouffe dans sa boisson quand le garçon lui sort encore un calebisme, particulièrement fort, lui disant qu’il serait ravi de lui faire du bouche-à-bouche sur son domaine de surveillance. Elle repose son verre, en riant et en essuyant des gouttes de bières qui ont atterrit sur ses joues, et répond :

« Oh, excellente idée ! Quel jour t’arrangerait le plus, pour que je planifie ma noyade ? Je compte sur toi, par contre, ne me lâche pas sur ce coup là.. !»

Toujours amusée, et riant doucement, Mona reporte la pinte à ses lèvres, et il boit une longue gorgée. A ce rythme là, elle allait bientôt devoir aller aux toilettes ! Elle ne pouvait pas nier qu’elle passait un bon moment, et qu’elle ne regrettait pas d’être venue seule. Caleb était drôle, séduisant et pourtant pas collant. Lourd, mais sans sérieux, ce qui au final ne le rendait que plus amusant. Mona Lisa n’avait pas hâte que la soirée se termine ; Aussi, elle lança, à tout hasard :

« Et si on faisait un jeu ? »

[Je te préviens, je n'ai aucune idée de jeu x)]

Mona Lisa sourit, imitant un air naïvement satisfait, quand Caleb la « rassure » en lui disait qu’il n’y a qu’elle. Vraiment, ils sont tous les deux abonnés à la connerie. Ca doit bien faire une demi-heure qu’ils racontent leur conneries, et dans le plus grand naturelle. Très modestement, Mona Lisa est époustouflée par elle-même. Elle n’a pas la souvenir d’avoir déjà été aussi détendue avec quelqu’un qu’elle connait à peine, sur des sujets aussi personnels. Elle n’a pas bégayé une seule fois ! Bien sur, le savoir, ou la croyance, que tout est prononcé sur le ton de l’ironie et du jeu l’aide beaucoup à ne pas être trop intimidée. Prise au jeu, elle trouve une assurance qu’elle a rarement, sauf dans les débats littéraires ou politiques.

Caleb semble très satisfait de son coup, quand, après qu’il ait annoncé qu’il serait heureux de lui faire du bouche-à-bouche, Mona Lisa souffle dans sa bière et en projette sur son visage. Alors que, du bout de la manche de son gilet, elle s’essuie sous les yeux en riant – stupidement –, il sourit d’un air clairement réjouis ; Le c*n. Mona Lisa se surprenait à le supporter. En toute logique, elle devrait le trouver incroyablement irritant et lourd, avec ses constantes insinuations. Mais il y avait quelque chose dans son air, et dans sa manière de toujours toucher au scandaleux sans y mettre les mains, qu’elle était sur qu’il n’était pas un vulgaire dragueur de mes deux. Il n’était pas là pour fourrer quelqu’un entre les draps ce soir. Il semblait simplement apprécier sa compagnie, et s’amuser de l’ambigüité jouée de leur conversation. Il répond qu’il a du temps pour la sauver mardi à 15 heures. Mona Lisa, baissant les yeux, sourit, pas encore blasée par leur jeu. Elle hocha la tête :

« D’accord… Je fermerais tôt la librairie pour venir. C’est bien pour toi ! »

Mona Lisa envisageait sérieusement d’aller lui rendre visite sur la plage. Après tout, il aurait peut-être besoin d’une personne par en maillot de bain à qui raconter ses conneries. Elle espérait qu’il ne lui avait pas dit un jour aléatoire, et qu’il travaillait vraiment le mardi, sans quoi elle aurait l’air un peu bête. Caleb accepte la proposition, absolument hasardeuse, de Mona Lisa, de faire un jeu. Elle n’avait aucune idée de ce qu’elle allait lui proposer, et essayait d’ores et déjà de se rappeler des jeux qu’elle faisait en soirée avec ses amis. Cependant, avant qu’elle n’ait pu suggérer quelque chose, Caleb en propose un. Mona Lisa accepte, bien sur, n’ayant rien de mieux à suggérer.

« Parfait. Tu commences ? »

Elle finit sa bière d’un trait, et commence à se sentir bien pleine.

Caleb accepte de commencer, ce qui plait à Mona Lisa. Elle n’avait jamais joué à ce jeu – quand bien même il existait, et que le jeune homme ne venait pas de l’inventer sur le feu – et n’avait aucune idée du type de questions qu’il fallait poser. Elle comprit pourtant vite qu’il n’y avait pas de domaine particulier : de toute, façon, c’est toujours dur de s’empêcher de penser. Sentie mise au défi, et surtout amusée, par l’idée de devoir répondre aussi vite que possible et avec un minimum de réflexion, Molly se redresse sur sa chaise haute, se tourne vers Caleb et chasse ses cheveux derrière ses épaules, comme pour mieux se concentrer. Un regard intense posé sur le garçon, et acquiesce que celui-ci lui demande si elle est prête. Caleb prend le temps, avant de commence à la questionner de terminer sa deuxième bière, et passer sa main sur sa bouche humide. Enfin vient la première question. Molly, surprise par sa simplicité, et sa neutralité si profonde qu’elle en devenait difficile à répondre, bafouille :

« Quoi, hein ? Euh, eh bien… m*rde, je réfléchis ! Aller, blanc. »

Elle n’avait aucune idée du motif de son choix. Elle n’était même pas sur qu’il y en avait un. Elle avait juste donné une réponse, comme ça, prononçant le premier mot des deux qui lui venait. La seconde question suivit immédiatement, et à celle là, Mona n’eut aucune hésitation, et répondit sans perdre une seconde :

« Cinéma, bien sur ! » La troisième la fit rire, et elle répondit, sans réfléchir : « Pepsi ! »

De toute façon, elle ne buvait jamais ni l’un ni l’autre. Et puis, il lui semblait que le pepsi était moins cher, alors, tant qu’à faire. Pour Mona, c’était la seule différence qu’il y avait entre les deux boissons gazeuses. Autrement, elles avaient le même gout, la même texture, presque les mêmes bouteilles ; La quatrième question ne fut pas non plus sujet à l’hésitation :

« Angleterre ! »

Evidemment… Mona avait quand même un minimum de sentiments patriotiques x) Et puis, il était vrai qu’elle préférait l’Angleterre à l’Australie. De tous les points de vue, même météorologiques. C’est vrai qu’il peut paraitre étrange de préférer une bonne pluie britannique au grand soleil de l’été australien, et pourtant, la jeune femme avait une claire préférence pour cette première. Après tout, elle avait grandit dans un village avec 352 jours de pluie par an, alors, quand on ne s’en lasse pas, on s’y attache terriblement. De même, Molly aimait le froid. Elle aimait s’emmitoufler dans de gros manteaux, de grosses écharpes, et sentir un coup de vent frais lui frôler le coup, égalisant les températures de tout le corps. La chaleur, quand trop intensive, la rend agressive. L’été australien, avec ses températures infernales de 30 à 35°C, était pour elle un calvaire durant lequel elle ne pouvait vivre sans causer d’incident diplomatique sous la climatisation de sa boutique. Enfin, la troisième question vint, et Molly, avec un sourire en coin, répondit :

« Garçon. » Puis, avec une fausse moue séductrice, regardant Caleb d’en bas, avec un sourire malicieux, elle dit « Tu ne l’as pas encore remarqué ? »

Puis, bien sur, elle accentue sa mimique, jusqu’à la rendre grotesque, avant de l’effacer complètement et se mettre à rire. C’était maintenant son tour de poser les questions. S’éclaircissant la gorge, elle en rassembla cinq, comme l’avait fait Caleb, et se mit à le questionner :

« Alors, café ou thé ? […] Pink, ou Pink Floyd ? […] Nourriture, ou filles ? (non, parce que vraiment, pour certains hommes, on ne sait pas.) […] Chaleur, ou froid ? […] James Bond ou Indiana Jones ? »

Mona Lisa sourit quand Caleb lui rappelle qu’elle lui avait dit qu’il était moche. Oh, elle avait l’impression que ça datait ! Elle avait un pressentiment qu’elle allait se le bouffer, cette petite phrase, absolument pas sérieuse, qu’elle lui avait sorti. Elle l’avait marqué, apparemment, pour qu’il la lui ressorte à répétition. Elle n’allait pas se contre dire, maintenant, surtout qu’elle était sure que Caleb ne faisait que continuer à la provoquer. Elle le trouvait mignon, avec ses cheveux sombres – cet épi, là, dont il semblait parfaitement inconscient, était le summum de l’adorable – et son teint pâle, son visage altier et son air vicieux. Il n’avait pas un visage banal, mais des traits beaux, et un caractère (du moins, ce qu’elle avait pu en expérimenter) qui adoucissait le tout. Cependant, elle n’allait pas le lui répéter, sans quoi elle s’exposait sans doute à une pluie de moqueries.

Ce fut enfin le tour de Caleb de répondre aux questions. Il répond rapidement aux deux premières, satisfaisant Mona Lisa avec ses mots. Il rit à la troisième question, alors que Mona, une nouvelle fois, se mordille la lèvre inférieure en riant ; Il répond qu’il préfère la nourriture, comme elle s’y attendait. Même si ce n’était pas forcément vrai, elle avait été persuadée qu’il répondrait ça, par pure provocation. Chaleur, bon, pourquoi pas, même si Molly n’est pas du même avis, elle n’est encore pas surprise : on ne se fait pas sauveteur en mer si on n’aime pas la plage et la chaleur de l’été. Quand à la réponse de la dernière, elle s’en fichait : elle n’avait jamais vu d’Indiana Jones, et s’était endormie durant le seul James Bond qu’on l’avait forcé à regarder. A la fin de la série, Caleb lui demande s’il a bien répondu.

« Mhm. Pour la première, tu ne pouvais pas me décevoir, j’adore les deux. Je te félicite de préférer Pink Floyd à Pink, autrement, je me serais posée des questions. » Elle s’arrête, et lance au garçon un regard amusé, la bouche souriant finement, puis reprend : « J’étais sure que tu choisirais la nourriture. Mais je me demande si tu ne préfères quand même pas une fille de la plage à un plat d’endives. Avoue. Quand à la chaleur, tu as tord. Et James Bond, si tu le dis. »

Quand Caleb lui demande si elle veut un autre verre, Mona Lisa ne prend pas le temps de se demander s’il l’invite. Elle suppose que non, et de toute façon, elle préfère éviter une situation ambiguë où ils se sont mal compris sur qui payerai. Avec un sourire, elle se met à fouiller dans son sac à main, en répondant :

« Ah ! Cet endroit est ma ruine. Bon, j’ai pris un cocktail et une bière, on va encore changer, pour voir. Oh, tu prends des shoots avec moi ? On fait moitié-moitié, bien sur. »

Elle sort de son sac un petit porte-monnaie rond, éraflé de partout, en faux cuir rouge avec des points blancs. Parfaitement ridicule, elle doit l’avoir depuis ses 14 ans, mais elle n’a jamais pris la peine de s’en racheter. Elle se débat un peu avec l’ouverture, puis observe consciencieusement l’intérieur, comptant ses pièces, puis relevant la tête d’un air triomphant :

« Ouaip, j’ai assez ! »