Embarassing [Terminé]

Sophia venait à peine d’arriver dans cette maison, bien trop grande à son goût. C’était celle dans laquelle elle vivait, avec James, lorsqu’ils étaient au lycée. C’était une des nombreuses résidences de la famille Spencer dans le pays. Ils en avaient aussi aux Etats-Unis, et en Europe… évidemment. So’ ne profitait pas vraiment de l’argent de la famille, mais c’était tout de même bien pratique de posséder une maison à Sydney. Elle adorait cette ville, c’était à cet endroit qu’elle se sentait chez elle… Et c’était pour cette raison qu’elle avait décidé de revenir en Australie. Elle avait besoin de se ressourcer, de repartir sur de nouvelles bases.

Dans le salon, il y avait quelques cartons à elle, mais pas énormément de choses. Elle n’avait pas ramené beaucoup d’objets de sa vie précédente, tout simplement parce qu’elle n’avait accumulé que peu de souvenirs, en tournée. Finalement, à part la musique, et à part la scène, Sophia n’avait rien dans sa vie quand elle était en Europe… ! D’où sa décision de revenir.

La jeune femme était justement en train de déballer quelques cartons quand on vient sonner à sa porte. Elle n’attendait personne et se redresse, donc, les sourcils légèrement froncés. A l’aise, Sophia portait un jean assez large, et un débardeur blanc, plutôt moulant. Ses cheveux étaient attachés en une queue haute, et son maquillage était léger.

Quand elle ouvre la porte, c’est avec surprise qu’elle constate qu’elle ne connaît pas l’homme devant elle. Les sourcils légèrement froncés, l’air surpris, elle le salue, d’abord, avec politesse :

Bonjour…

Je peux vous aider ?

Demande Sophia, d’une voix douce, tout de même, malgré l’étonnement.

Le jeune homme en face d’elle se présente. Il avait une voix plutôt agréable, comme son physique, d’ailleurs. La jeune femme esquisse donc un sourire quand il lui donne son prénom, puis son nom… Mais son expression change radicalement quand elle apprend qu’il travaille pour un magazine. Si elle était revenue en Australie, ce n’était pas pour démarrer une carrière dans ce pays, non. C’était pour se changer les idées, pour se ressourcer, se créer une nouvelle vie… pas pour enchaîner les interviews ><

L’interview… ?

Répète la jeune femme, avant de secouer la tête.

Je suis désolée, je ne suis pas au courant. Je… J’ai laissé mon manageur en Angleterre. C’est lui qui vous a demandé de venir chez moi ? Je suis en Australie pour me reposer, je ne donnerai pas d’interview.

Dit-elle, en essayant de prendre un ton déterminé, pour se faire comprendre. La jeune femme était parfois trop douce et n’imposait pas assez ses choix alors elle essayait de se montrer plus caractérielle ! Mais ça ne marchait pas toujours alors, elle allie le geste à la parole et s’apprête à fermer la porte…

Apparemment, le journaliste ne s’entend pas franchement avec sa rédactrice en chef. Du moins, c’est à cette conclusion qu’en vient Sophia en entendant sa réflexion sur sa patronne. En tout cas, peu importe pour la jeune femme. Elle sait juste qu’il est très mal à l’aise et qu’il ne veut pas repartir sans la moindre information… Elle aurait pu l’envoyer balader, mais ça ne ressemble pas franchement à la chanteuse qui finit, tout de même, par demander un droit de regard sur ce qui sera écrit sur elle. De toute manière, mieux vaut qu’elle accepte l’interview et qu’elle puisse avoir un contrôle dessus ! Sinon, on risque de pondre un article sur elle, malgré tout, et qui sera loin, très loin de la réalité.

Entrez…

Souffle la jeune femme, finalement, en ouvrant la porte pour le laisser passer. Dès que l’homme observe l’entrée, la jeune chanteuse s’empresse de se justifier.

Ce n’est pas… rangé. Je suis seulement arrivée hier.

Explique-t-elle, en refermant la porte derrière lui.

Vous avez une carte, s’il vous plaît ?

Demande Sophia, avant d’aller plus loin avec lui. Elle pense tout de même à vérifier son identité, avant de commencer quoi que ce soit. Sait-on jamais, certains sont assez dingues pour se faire passer pour des journalistes !

Sophia a l’impression d’être tombé sur quelqu’un de sympathique, et de gentil. Seulement, elle lui demande tout de même sa carte car elle a déjà croisé des journalistes nettement moins agréables ! Certains étaient prêts à tout pour obtenir une interview, ou bien quelques photos compromettantes… Alors, même si So’ est parfois naïve, elle fait tout de même très attention à qui elle a en face d’elle. Elle est tout de même intelligente, et prend soin de prendre les précautions nécessaires.

Quand il lui donne sa carte, donc, la jeune femme vérifie que le nom du journaliste est bien celui qu’il lui a donné avant d’entrer, ainsi que le nom du magazine. Elle range ensuite le morceau de papier dans une des poches arrières de son jean, avant de lui faire un léger signe de tête.

Suivez-moi…

Murmure-t-elle, d’une voix douce, en avançant jusqu’au grand salon. Elle fait signe au journaliste de s’installer sur l'immense canapé blanc qui trône au milieu de la pièce. Avant de s’y asseoir elle aussi, elle lui demande, poliment :

Est-ce que vous souhaitez boire quelque chose ?

Sa voix était douce. Sophia était passée par des périodes extrêmement difficiles dernièrement et prenait même des médicaments pour essayer de rester « positive ». Son ton restait donc toujours monocorde, comme si rien ne l’atteignait, ou presque.

Sophia acquiesce en entendant la demande du journaliste et s’éclipse un court moment dans la cuisine pour lui ramener un verre d’eau. Elle s’assoit ensuite sur le canapé, en passant une main sur sa nuque, et en prenant une profonde inspiration. Elle avait pourtant l’habitude de se prêter au jeu des interviews, mais ce n’était pas facile pour elle, encore moins maintenant. Elle avait radicalement changé de vie, elle prenait un nouveau départ… Elle craignait un peu que les questions soient trop… personnelles.

Oui, on peut commencer.

Murmure-t-elle, en réponse à sa question. Il était très prévenant avec elle, et c’était quelque chose que la jeune femme appréciait énormément. Elle avait besoin de douceur, elle n’aurait certainement pas supporté d’être brusquée. Silencieuse, Sophia passe ses deux mains sur ses cuisses, en attendant que le jeu des questions – réponses commence enfin.

Je vous écoute.

Ajoute-t-elle, en relevant la tête.

Sophia prend une profonde inspiration avant de répondre à la question du journaliste. Elle n’avait pas pensé qu’en rentrant à Sydney, elle devrait directement commencer avec une interview ! Mais, elle répond, tout de même, à la question, en passant une main sur sa nuque.

J’ai fait deux tournées européennes.

La première, c’était incroyable, vraiment fantastique. En même temps, j’enregistrais mon premier album, c’était vraiment génial. J’étais très bien entourée et j’ai adoré visiter toutes les villes d’Europe. Ça a été une expérience fabuleuse. C’était la première fois que je rencontrais mon public. Ça m’a transporté, j’ai ressenti énormément d’émotions.

La deuxième, ça a été un peu différent…

So’ cherche ses mots. Ce n’est pas facile pour elle de parler de cette seconde tournée, celle qui l’a poussée à tout quitter, à tout laisser derrière elle. Ça s’était vraiment mal passé mais elle ne peut pas l’avouer à un journaliste. Il faut qu’elle fasse bonne figure.

Disons que je me suis sentie un peu seule, un peu loin de mes amis, de ma famille. Mais l’accueil du public était toujours aussi formidable.

Sophia acquiesce en entendant la remarque du journaliste, concernant les amis, et la famille. Elle se sentait tout à fait comprise. Pour autant, à Sydney, elle ne connaissait plus grand monde, mais si elle avait choisi cette destination c’était parce qu’elle y avait de bons souvenirs, et que c’était dans cette ville qu’elle avait, finalement, passé les meilleurs moments de sa vie. C’était ici qu’elle se sentait chez elle.

Le journaliste pose une seconde question qui pousse la jeune femme à se dévoiler un peu plus. Finalement, cette interview permettra peut-être à certains de ses fans de comprendre ce qui se passe pour elle et pourquoi elle a décidé de quitter l’Europe.

Ce n’est pas prévu pour le moment.

J’avais besoin de faire une pause… Je suis venue ici pour me ressourcer. Je suis née en Australie et j’adore ce pays. C’est à Sydney que je me sens chez moi. J’avais besoin de revenir.

Et puis, ici, je ne suis pas très connue. Je m’y sens un peu en… sécurité. Je n’ai jamais aimé attirer l’attention.

Avoue la jeune femme qui se permettait de se confier de plus en plus, sans doute grâce à la gentillesse et la patience du journaliste près d’elle.

Sans le savoir, Jeffrey était en train de poser des questions à Sophia qu’elle ne s’était même pas encore posée à elle-même. Ce n’était pas facile, d’ailleurs, de devoir faire face à de telles interrogations. Allait-elle chanter à nouveau ? Allait-elle sortir un nouvel album… ? La jeune femme savait que c’était sa passion, qu’elle ne pouvait pas se passer de musique… Mais, en même temps, elle se sentait incapable de jouer le jeu de la promotion une nouvelle fois, de partir loin, de se sentir toute seule, en tournée… Alors, elle ne sait pas. D’ailleurs, elle reste hésitante, en entendant la question du journaliste, et met un certain temps à y répondre.

Je… Je ne sais pas trop.

Avoue-t-elle, sentant son cœur se serrer.

C’est évidemment ma passion mais… pour le moment, je…

A nouveau, elle baisse les yeux, cherche ses mots. Malheureusement, cette fois, elle ne les trouve pas. La jeune femme passe une main sur son visage, devenu soudainement pâle, et arrive enfin à terminer sa phrase, le cœur de plus en plus lourd.

Je ne sais plus trop où j’en suis.

Avoue-t-elle, sans détour. Son manageur lui aurait certainement tapé sur les doigts pour avoir dit une chose pareille… Mais il n’était plus là et Sophia ne considérait même plus qu’elle avait un manageur dorénavant.

L’interview s’arrête ici mais Sophia n’a pas l’impression d’avoir dit grand-chose… si ce n’est qu’elle était perdue, qu’elle faisait une pause, et qu’elle avait besoin de se retrouver… ! Super >< Elle ne pouvait pas faire pire, du moins, c’est la conclusion à laquelle elle arrive. La jeune femme garde les yeux baissés, sans dire un mot, avant que le journaliste ne reprenne la parole. Il dit alors qu’il la comprend, il parle de solitude. Aussitôt, la chanteuse relève les yeux, en arquant un sourcil. La comprenait-il vraiment… ?

C’est vrai… ?

Demande-t-elle, d’une toute petite voix fragile. So’ se sentait terriblement seule, depuis des mois. Elle ne savait pas comment s’en sortir. Elle ne voulait pas déranger Jill dans sa petite vie de famille, James dans sa grande carrière. Elle était revenue à Sydney, dans cette ville où elle se sentait chez elle, mais n’y avait retrouvé aucune connaissance. Il faut dire que c’est à peine si elle osait sortir. D’un côté, elle venait juste d’arriver… ! Mais Sophia savait qu’elle serait capable de rester cloîtrée dans cette grande maison, juste par peur d’affronter le monde extérieur et de s'apercevoir que personne ne l'attendait nulle part…

Excusez-moi.

Dit-elle, en croisant son regard et en réalisant qu’elle ne devrait pas se comporter de cette manière avec un inconnu, qui plus est journaliste.

Je suis pitoyable, en ce moment ><

Lâche-t-elle, les sourcils froncés, en se relevant, et en passant une main sur son visage, encore.

Jeffrey pose ses 'affaires' sur la table, après s'être adressé à Sophia. Elle se sentait seule et il la comprenait parfaitement, et ce n'était pas un sentiment agréable, c'est loin de l'être. Il est vrai que le jeune homme n'est pas supposé avoir des conversations pareilles avec elle, mais il fallait sortir des fois de cette routine : faire l'interview, et quitter, non, il ne pouvait pas faire ça, il n'aimait pas ça. Jeff' n'aimait pas être totalement professionnel !

Oui, c'est vrai.

Répond Jeffrey. Pourquoi allait-il lui mentir, et dire qu'il la comprenait alors que ce n'est pas le cas ? Le jeune homme n'était pas ce genre de personnes qui compatissait faussement, ou plutôt, il ne l'est plus.

Vous n'avez pas à vous excusez, ça arrive à tout le monde.

Les moments pareils finissent toujours par passer, il suffit de tourner la page sur le mal qu'on a pu vivre. Enfin...Il faut essayer...

Reprend le jeune homme, espérant que Sophia ne lui en voudrait pas de se mêler un peu de ses affaires. Il ne voulait qu'aider un peu...

Sophia ne savait pas quelles étaient les intentions de Jeffrey et devait s’en méfier un peu ! Après tout, c’est un journaliste, il pourrait aller raconter n’importe quoi à son sujet >< Mais la chanteuse a l’habitude de faire confiance aux gens, peut-être trop facilement… Et le journaliste qu’elle a, auprès d’elle, lui semble sympathique, et gentil. Mais peut-être se fourvoie-t-elle ? So’ n’en sait rien. Tout ce qu’elle sait, c’est qu’elle est perdue. Elle se lève, donc, en passant une main sur son visage, en s’excusant, aussi. Elle ne voulait pas le mettre mal à l’aise avec ses problèmes personnels. Pourtant, il reprend la parole, et tente de la réconforter.

Touchée par tant de douceur, Sophia pose son regard sur lui à nouveau.

J’aimerais beaucoup tourner la page mais…

Elle baisse de nouveau les yeux, passe une main sur sa nuque.

Je n’y arrive pas. Ça fait des semaines que ça dure et je n’arrive pas à sortir la tête hors de l’eau. Je suis en train de m’enfoncer et je… je sais pas comment faire pour…

En relevant les yeux, Sophia réalise qu’elle est en train de s’adresser à un parfait inconnu. Ses joues s’empourprent légèrement, alors qu’elle prend un air désolé.

Pardonnez-moi, vous avez certainement mieux à faire que d’écouter mes jérémiades ><

Ca pourrait paraître assez bizarre et étrange que Jeffrey essayait d'aider Sophia, alors qu'ils ne se connaissaient même pas, mais le jeune homme n'avait aucune arrière pensée. La jeune musicienne semblait être fragile, et il n'aimait pas voir une fille se sentir mal. Bien sûr, si la jeune femme ne voulait pas lui parler de comment elle se sent, elle avait tout le droit, il comprendrait, et il quitterait, c'est simple. Il voulait l'aider, au moins un tout petit peu, si elle acceptait son aide.

Chantez.

Dit-il, avant de se lever à son tour. Sophia était chanteuse, et chanter pouvait l'aider, même si elle ne chantait pas devant ses fans, devant un public.

Si c'est votre passion, ça peut donc vous aider.

Dansez, sortez, profitez de la vie ! Si vous continuez à penser qu'au mauvais côté des choses, ça ne changera jamais...

Reprend Jeffrey, qui devait se prendre pour Dr. Phil maintenant XD Il se permet de donner des conseils à Sophia, espérant qu'ils soient bons. Il n'était pas vraiment doué pour remonter le moral, mais il faisait de son mieux !

Quand j'y pense... Non, je n'ai rien à faire x)

Dit-il, affichant un sourire aux lèvres, histoire de détendre un peu l'atmosphère.[i]

En entendant le journaliste lui dire de chanter, Sophia fronce les sourcils, en relevant les yeux, l’air intrigué. Elle écoute attentivement ce qu’il lui conseille ensuite. Il a l’air si sûr de lui qu’on dirait véritablement qu’il est déjà passé par là. So’ savait qu’elle ne pouvait pas décemment continuer comme ça, à se replier sur elle-même, à se renfermer. Et Jeffrey le savait aussi. Il lui explique qu’elle doit sortir, se bouger. Ça ne tient certainement qu’à elle, après tout. Mais elle fait un blocage.

Tous mes amis sont maintenant aux quatre coins du monde.

Je n’ai personne ici de suffisamment proche, je… Je peux pas sortir toute seule >< Je n'en ai même pas envie, à dire vrai.

Sophia n’avait plus envie de rien. Elle n’avait plus goût en la vie. Depuis son arrivée, elle ne faisait que s’installer dans cette immense maison. Ranger, trier, ça l’aidait à se détendre, à ne penser à rien. Pour autant, ça n’arrangeait pas franchement les choses.

En entendant la réponse du journaliste, la jeune femme esquisse un sourire un peu forcé. Elle fait cet effort pour lui montrer qu’elle est touchée par ses propos.

C’est gentil de votre part.

Souffle-t-elle, avant de baisser les yeux, le cœur lourd.

Vous avez un sacré scoop… « Sophia Spencer fait une pause dans sa carrière pour cause de dépression. »

Constate-t-elle alors, en redevenant blême. Il ne manquait plus que ça ! Des gros titres peu flatteurs dans les journaux. Ça détruirait certainement sa réputation, peut-être même sa carrière, et elle n’aurait plus rien à quoi se raccrocher.