Nostalgie, quand tu nous tiens ~ Libre

Première soirée de Maylis à Longwood University. Toute la journée, elle avait traîné, découvrant avec intêret l'endroit où elle vivait à présent. Lorsqu'elle avait visité la bibliothèque, elle s'y était posée quatre heures environ, prise d'une folie douce en voyant le nombre incommensurable d'ouvrages sur les étagères. Ensuite, prise d'une soudaine envie d'écrire, elle s'était adonnée à la rédaction d'une lettre à sa famille qu'elle venait de quitter. Avant d'écouter une heure durant son iPod. Pas très trépidant, comme première journée, me direz-vous! Oui, en effet...

Aujourd'hui, plus encore qu'un autre jour, Maylis n'était pas d'humeur à faire la fête.
Cette arrivée la bouleversait, si inhabituée qu'elle était des changements. Elle qui avait vécu toute sa vie dans la grande propriété au bord de la Loire de sa famille, avec ses parents, ses frêres et soeurs, ses grands-parents, son oncle, sa tante, ses coursins et les domestiques. Tout changeait, ici. Elle perdait absolument tout ses repères. Tous.
Elle vivait à présent dans une communauté de jeunes, elle qui n'avait connu que les personnages cités ci-dessus. Elle apprenait auprès de professeurs les disciplines qu'elle adorait, contrairement aux cours de mathématiques et de français donnés par le précepteur aigri des Launay. Elle parlait anglais au lieu de français. Elle était dans un nouveau pays, elle qui n'avait vécu qu'en France. Et surtout, ici, on la prenait pour la jeune adulte qu'elle était, avec ses propres opinions, plutôt que pour l'éternelle enfant timide. Ici, plus que partout ailleurs, elle était libre.

Et de cette liberté, la sensible jeune fille ne savait pas trop quoi faire. Devait-elle, comme la masse, se saouler et se droguer dans les boites de nuit? Pas tout de suite.... Pas encore, non. Devait-elle rester dans sa chambre exigüe? Elle n'en avait pas envie. Non ce soir elle irait visiter Sydney. Enfin, visiter... traîner, se balader, plutôt. Voir cette plage qu'elle brûlait d'impatience de découvrir.

Sans se presser, Maylis prit le bus et se balada sur la jetée déserte. Observant la mer qui déferlait devant elle. Écoutant son bruit chantant, respirant les embruns. Ici, pour la première fois depuis des jours, elle était formidablement apaisée.

Une demi-heure, ou une heure plus tard , ayant perdu la notion du temps, Maylis sentit une présence. Elle se retourna, pour voir ce jeune homme qui fumait tranquillement.
Maylis resta immobilisée, s'attendant si peu à rencontrer quelqu'un sur cette plage à cette heure-ci. Durant quelques secondes, elle se demanda si elle devait partir ou rester et lui adresser la parole. C'est alors qu'il la vit.

Il l'avait remarquée, c'était certain à présent. Maylis sentit cette accélération du coeur si particulière à une rencontre ...
Alors qu'elle se décidait à avancer vers le jeune homme, celui-ci écrasa sa cigarette et se leva. S'avançant avec diffitculté vers elle, il se rassit, mais cette fois à côté d'elle et lui proposa une cigarette.

Et c'est là que la réaction de Maylis fut étrange: au lieu de se mettre à trembler, à rougir et à paniquer, comme ce qu'elle aurait pensé faire, cela ne l'atteint pas plus que ça et elle répondit, un peu timidement il est vrai:

«- Pas encore... Mais tu m'en donnes une?»

Cette réponse un peu innatendue aurait pu faire penser à une fausse candeur , ou à une tentative de séduction subtile. C'était souvent ce que les rares garçons qu'elle avait rencontrés pensaient: qu'une telle timidité, sensibilité ne pouvait pas être naturelle. Pourtant, c'était le cas: Maylis est ingénue de nature. Elle serait d'ailleurs franchement incaplable de cela, séduire par un faux caractère n'est pas dans ses cordes.

Tremblant un peu, sans essayer de le dissimuler, Maylis attrappa une fine cigarette et attendit, nerveuse, rougissant, que le jeune homme l'allume avec son briquet.